Les jours passent et les signaux d’alarme ne cessent de retentir en République Démocratique du Congo. De Goma à Kinshasa, de Walikale à Kalehe, la peur s’installe : affrontements sanglants, déplacés oubliés sur des routes coupées, villages transformés en champs de bataille. Tandis que la RDC vient tout juste d’entrer au Conseil de sécurité de l’ONU, la crise sécuritaire et humanitaire s’aggrave dans l’Est du pays, attisée par la fragmentation politique interne, la fatigue des partenaires internationaux et la multiplication des coups de force régionaux. Avons-nous atteint un point de rupture ?
Cette semaine aura été marquée par une succession de faits dramatiques qui, mis bout à bout, racontent la profondeur du gouffre dans lequel notre société se débat. L’Est, encore et toujours, noyé dans la violence : combats meurtriers entre le M23, les Wazalendo et les FARDC, multiplication des enlèvements, enfants soldats, massacres à répétition de civils à Walikale et Kalehe, nouvelles vagues de déplacés exposés à la faim, à la maladie, parfois abandonnés sans assistance sur les routes ou dans des camps insalubres.
Kisangani et Kinshasa n’ont pas été épargnées : braquages spectaculaires, surmilitarisation incontrôlée, justice populaire à bout de patience – jusqu’à des appels présidentiels à l’action d’urgence pour stopper la criminalité urbaine. Pendant ce temps, la communauté internationale hausse la voix, entre appels à la paix sans effet, révélations accablantes (plus de 5 000 soldats rwandais soutiendraient activement le M23 selon une récente enquête américaine, 900 tombes documentées au Rwanda), et avertissements diplomatiques contre la balkanisation du Congo. Des partenaires comme le Burundi, la France, le Japon, ou la Belgique mobilisent aide humanitaire et médiations, mais l’ampleur de la crise déborde les couloirs de Genève ou New York.
L’indignation s’accroît aussi sur la scène intérieure : bras de fer judiciaire (Ministre Mutamba, ex-ministre Kazadi), polémiques autour des libertés publiques (suspensions médiatiques du PPRD, querelles sur les droits humains), retour tumultueux de Joseph Kabila à Goma, et tentative de dialogue national initiée entre Félix Tshisekedi et Martin Fayulu. Ces initiatives politiques, pour essentielles qu’elles soient, peinent à restaurer la confiance ou à offrir des réponses concrètes au désespoir des populations prises au piège. Les voix de la société civile, des ONG et des acteurs religieux rappellent que la paix ne viendra ni de demi-mesures, ni de négociations sans courage ni vision.
À cela s’ajoute la spirale de la crise humanitaire : enfants privés d’école, affamés dans des camps, femmes et personnes handicapées abandonnées, infrastructures saccagées, épidémies en embuscade (malnutrition en Tshopo, épidémie de rougeole et de choléra). Chaque jour, des milliers de familles voient leur avenir broyé par la guerre et l’indifférence collective.
Enfin, la dimension économique et internationale pèse lourdement : alors que la Banque mondiale et l’Union européenne injectent des milliards pour des projets de résilience ou de croissance, la confiscation des ressources minières par des multinationales (prise de contrôle émiratie sur Alphamin) et les inquiétudes autour des deals stratégiques avec les États-Unis donnent le vertige. Que vaut la souveraineté sur les mines si le pays reste ingouvernable ou fragmenté ?
La RDC est à un carrefour tragique : son destin se joue simultanément sur les champs de bataille, dans les couloirs de la diplomatie mondiale et dans l’intimité blessée de chaque famille déplacée. Il n’y aura pas de paix sans refondation profonde du contrat social, sans un sursaut national et régional capable d’intégrer les leçons du dialogue, de la justice, d’une gouvernance partagée et de la solidarité. Nous appelons les autorités, comme tous les citoyens, à exiger une politique de sécurité audacieuse et inclusive, où la justice l’emporte sur l’impunité et où chaque vie compte, qu’elle soit à Goma, Bandundu ou Kinshasa. Refuser l’indifférence, c’est aujourd’hui défendre notre avenir commun et empêcher la fracture définitive de la nation congolaise. Que notre mobilisation soit à la hauteur de l’urgence historique qui nous regarde, et que la RDC montre enfin au monde que la dignité et la paix ne sont pas des illusions, mais des priorités vitales et non négociables.
— La Rédaction de CongoQuotidien