Une crise diplomatique majeure secoue la région des Grands Lacs suite à la réunion tenue le 2 juin à Goma entre le Mécanisme conjoint de vérification élargi (MCVE) de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) et les autorités rebelles du mouvement M23. Cette initiative, confirmée par Alphonse Ntumba Luaba, coordonnateur du Mécanisme national de suivi de l’accord d’Addis-Abeba, a provoqué l’indignation immédiate de la République démocratique du Congo.
Dans une missive datée du 3 juin adressée au Secrétariat exécutif de la CIRGL, l’ambassade congolaise à Bujumbura a exprimé sa “profonde indignation” face à cette collaboration inédite. La délégation du MCVE, conduite par son coordonnateur Lucky Cholwe, aurait discuté avec le gouvernement provincial autoproclamé du M23 de questions relatives à “la paix, la sécurité et la stabilité” dans le Nord-Kivu occupé. Comment une instance régionale mandatée pour la paix peut-elle ainsi dialoguer avec des groupes armés non étatiques ?
Les autorités congolaises estiment que cette rencontre M23 MCVE constitue une violation flagrante des principes fondamentaux de l’Union africaine et des organisations sous-régionales. “Cette initiative encourage la déstabilisation de la sous-région par des mouvements rebelles”, dénonce la représentation diplomatique, soulignant le paradoxe d’une structure censée œuvrer pour la paix qui légitimerait indirectement une rébellion soutenue militairement par le Rwanda voisin. La crise dans les Grands Lacs prend ainsi une nouvelle dimension diplomatique.
Le cœur du litige réside dans la reconnaissance implicite que cette entreprise conférerait à l’AFC/M23, mouvement armé occupant des territoires substantiels du Nord et Sud-Kivu depuis sa réémergence en 2021. La RDC exige des explications urgentes du Secrétariat exécutif de la CIRGL sur sa position réelle vis-à-vis de Kinshasa et de cette rébellion. Cette controverse CIRGL intervient à un moment critique où les tensions transfrontalières avec le Rwanda atteignent des niveaux sans précédent.
Les observateurs régionaux s’interrogent sur les implications stratégiques de ce développement. La diplomatie RDC Burundi se trouve au centre d’une tempête politique qui pourrait remettre en cause l’efficacité même du cadre régional de résolution des conflits. Certains experts redoutent que cette initiative ne crée un précédent dangereux, ouvrant la voie à d’autres dialogues parallèles avec des groupes armés non mandatés. La crédibilité des mécanismes de paix régionaux se trouve désormais en balance.
Alors que le Nord-Kivu reste le théâtre d’affrontements quotidiens, cette polémique diplomatique révèle les profondes fractures qui traversent les institutions régionales. La demande congolaise de clarification immédiate met en lumière les contradictions d’une architecture de sécurité qui peine à contenir l’expansion des groupes armés. L’efficacité future de la CIRGL dans la gestion de la crise des Grands Lacs dépendra largement de sa réponse à cette interpellation cruciale de Kinshasa.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net