L’ancien président zambien Edgar Chagwa Lungu s’est éteint ce 5 juin 2025 à l’âge de 68 ans, selon une confirmation officielle de sa famille. Le décès est survenu en Afrique du Sud où l’ex-chef d’État avait été évacué pour une intervention chirurgicale. Cette disparition clôt le chapitre d’une figure politique majeure ayant dirigé la Zambie de janvier 2015 à août 2021, période marquée par des tensions électorales récurrentes et une transition démocratique mouvementée.
Quel héritage laisse cet homme qui passa de simple avocat à président de la République ? Né le 11 novembre 1956 à Ndola, Edgar Lungu gravit les échelons du Parti patriotique front (PF) sous la présidence de Michael Sata, occupant successivement les portefeuilles stratégiques de Ministre de la Justice et de Ministre de la Défense. La mort soudaine de Sata en octobre 2014 propulse Lungu au premier plan. Il remporte l’élection présidentielle partielle de janvier 2015 avec seulement 27 757 voix d’avance face à son rival Hakainde Hichilema – une victoire aussitôt contestée qui annonce déjà les batailles politiques à venir.
L’année 2016 consacre la montée en puissance de Lungu avec son élection pour un mandat complet, mais le scrutin reste entaché de controverses. Sa réélection avec 50,35% des voix face à Hichilema déclenche un recours devant la Cour constitutionnelle, rejeté après des délibérations tendues. Cette période voit la Zambie s’enfoncer dans des divisions politiques profondes, tandis que les observateurs internationaux s’interrogent sur la consolidation démocratique du pays.
Comment expliquer la chute électorale de 2021 ? Après six années au pouvoir, Edgar Lungu essuie une défaite cinglante face à Hichilema qui obtient près de 60% des suffrages. Les analystes pointent plusieurs facteurs : une gestion économique critiquée avec une dette publique explosant à 120% du PIB, des accusations de répressions contre l’opposition, et surtout une pandémie de COVID-19 mal maîtrisée qui exacerba les inégalités sociales. Le départ de Lungu du pouvoir fut perçu comme un test réussi pour la démocratie zambienne, mais son ombre continua de planer sur la vie politique nationale.
À l’annonce de son décès, les réactions illustrent les fractures persistantes. L’actuel président Hichilema a déclaré : “Nous reconnaissons son service à la nation tout en rappelant que l’histoire jugera son bilan”. Dans les rues de Lusaka, des scènes contrastées se déroulent : des partisans en larmes déposent des fleurs devant son ancienne résidence, tandis que des groupes d’opposants manifestent une indifférence teintée de soulagement. Cette polarisation reflète les tensions latentes dans une Zambie encore en convalescence démocratique.
Quelles implications pour l’avenir politique zambien ? La disparition de Lungu survient à un moment charnière où son parti tente difficilement de se reconstruire après l’humiliante défaite de 2021. Plusieurs observateurs craignent que son héritage ne devienne un outil de mobilisation politique, notamment parmi ses soutiens les plus radicaux. Pour le politologue zambien Davies Nachilongo : “Sa mort pourrait soit apaiser les tensions en permettant au PF de tourner la page, soit au contraire exacerber les divisions si des factions instrumentalisent sa mémoire”.
À l’échelle continentale, le parcours de Lungu interroge sur les défis de l’alternance démocratique en Afrique. Comme l’explique la chercheuse Aminata Diallo : “Son parcourt incarne ces transitions inachevées où un leader accepte sa défaite électorale mais refuse de quitter la scène politique, maintenant une instabilité sourde”. Les prochaines élections zambiennes prévues en 2026 constitueront un test décisif pour mesurer la résilience des institutions.
Alors que la Zambie prépare des funérailles nationales, une question demeure : Edgar Lungu restera-t-il dans les mémoires comme le président qui préserva l’unité nationale durant une période troublée, ou comme l’homme dont les méthodes autoritaires érodèrent les acquis démocratiques ? Quatre ans après sa chute, son bilan économique et social continue de faire débat parmi les experts. Une certitude persiste : sa disparition marque la fin d’une ère tumultueuse dans l’histoire politique zambienne.
Article Ecrit par Cédric Botela