Dans un geste politique lourd de sens, le Palais de la Nation a ouvert ses portes ce jeudi à Martin Fayulu, leader de l’ECIDé, reçu par le président Félix Tshisekedi. Cette audience sollicitée par l’opposant historique intervient dans un contexte où la République démocratique du Congo traverse ce que Fayulu lui-même qualifie de « crise existentielle ». La rencontre, décrite par la porte-parole présidentielle Tina Salama comme « conviviale », marque-t-elle un tournant dans les rapports de force politiques congolais ?
L’urgence de ce dialogue politique en RDC trouve sa source dans la vidéo virale publiée par Fayulu le 2 juin, où son appel au « sursaut d’honneur » résonne comme un constat d’échec des stratégies sécuritaires actuelles. « Nous vivons l’une des périodes les plus sombres de notre histoire », a-t-il déclaré, pointant un risque imminent de balkanisation. La charge est sévère contre le groupe M23 qui, selon l’opposant, occuperait désormais des territoires stratégiques du Nord-Kivu et du Sud-Kivu sous paravent rwandais. Une accusation qui plane comme une épée de Damoclès sur la souveraineté nationale.
Fayulu, dans sa démonstration, ne s’est pas contenté de dresser un tableau apocalyptique. Il a nommément interpellé trois acteurs-clés capables, selon lui, d’inverser la tendance : Corneille Nangaa, Joseph Kabila et Félix Tshisekedi. Ce triptyque improbable soulève des questions fondamentales. Le président actuel peut-il réellement collaborer avec ses prédécesseurs et rivaux dans un tel contexte ? La réponse se niche peut-être dans la symbolique de cette poignée de main médiatisée, où Tshisekedi joue sa crédibilité en tentant d’apparaître en rassembleur national.
Derrière les enjeux géopolitiques se profile une bataille pour la cohésion nationale. L’appel de Fayulu dépasse le cercle des élites pour s’adresser directement au peuple congolais, l’exhortant à devenir acteur de sa propre sauvegarde. « Œuvrons ensemble », a-t-il plaidé, conscient que l’unité nationale constitue le dernier rempart contre la fragmentation. Cette rhétorique place le pouvoir dans une position délicate : comment répondre à cette mobilisation citoyenne sans paraître suiveur ?
L’Est du pays reste l’abcès qui menace de faire gangrène l’ensemble du territoire. Les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, théâtres des avancées du M23, cristallisent toutes les tensions. La prise présumée de Goma et Bukavu par les rebelles – affirmation lourde mais non démentie officiellement – représenterait un point de non-retour dans la crise sécuritaire. Le gouvernement peut-il encore afficher sa stratégie militaire comme solution unique face à cette réalité ?
Cette audience inédite ouvre plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. S’agit-il d’une simple trêve tactique ou d’une véritable refondation du dialogue politique en RDC ? Tshisekedi, en accueillant son plus virulent critique, tente manifestement de désamorcer la bombe d’une opposition unie contre sa gestion de la crise. Mais le temps presse : chaque jour supplémentaire de conflit dans le Kivu mine davantage la légitimité des institutions. La cohésion nationale invoquée par les deux hommes ne sera crédible qu’à l’aune des actions concrètes qui suivront cette rencontre symbolique. Le sursaut d’honneur réclamé par Fayulu trouvera-t-il un écho au-delà des murs du Palais de la Nation ? L’histoire jugera.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
