Imaginez le quotidien d’Esther, veuve d’un soldat tombé à l’Est de la RDC, survivant avec ses trois enfants dans une maison délabrée de Kinshasa sans revenus stables. Comme elle, une centaine de veuves et orphelins de militaires et policiers ont vu leur vie transformée par une formation professionnelle intensive dispensée par la Chambre de commerce, plantation, élevage et industrie RDC (CCPEI-CCIEA). En deux sessions étalées sur un an, ces femmes et jeunes, souvent abandonnés à leur sort, ont appris la coupe-couture, l’esthétique, la transformation agroalimentaire, la maçonnerie et la menuiserie. Combien d’autres Esther attendent encore dans l’ombre, alors que leurs maris et pères se sont sacrifiés pour la nation ?
Jacques Makila, président de la CCPEI, souligne que cet encadrement des familles militaires dépasse la simple assistance : « Notre projet CCPEI d’autonomisation vise à leur permettre de subvenir à leurs besoins, de jouer un rôle prépondérant dans la société et de valoriser leurs talents par des activités génératrices de revenus ». Dans un contexte où les conflits de l’Est drainent les ressources nationales, cette initiative se présente comme un soutien indirect à l’effort de guerre. Comment ne pas voir dans ces centres de formation un rempart contre la spirale de la pauvreté qui guette les familles des héros oubliés ?
Pourtant, l’avenir de ce programme reste incertain. Makila lance un appel pressant : « Nous plaidons auprès des partenaires techniques et financiers pour appuyer ces formations ambulatoires gratuites. Lutter contre l’oisiveté des orphelins policiers formés aux métiers, renforcer leur indépendance financière, c’est contribuer au développement économique national ». La priorité accordée aux veuves militaires en RDC n’est pas anodine – elles symbolisent ces invisibles que la guerre a doublement frappés, perdant conjoint et stabilité sociale.
L’ambition dépasse désormais le cadre initial. Esther Kimbeni, cheffe du Centre Fièrement Génial au foyer social de la 14ᵉ direction régionale des FARDC, plaide pour une extension nationale : « Ces compétences doivent irradier toutes les provinces ». Le projet inclut déjà d’autres vulnérables – filles-mères et jeunes vendeurs ambulants – dessinant ainsi une stratégie plus large de résilience sociale. Si les centres de formation des FARDC devenaient les piliers de cette reconquête économique, la RDC ferait d’une pierre deux coups : honorer ses héros tout en tissant un filet contre la précarité. Mais sans soutien durable, cette lueur d’espoir risque-t-elle de s’éteindre aussi vite qu’elle est née ?
Derrière chaque chiffre se cachent des destins brisés que la formation tente de recoller. Ces femmes qui cousent des uniformes là où leurs maris les portaient, ces orphelins manipulant des outils plutôt que des armes, incarnent une reconquête silencieuse. Le véritable enjeu ? Transformer l’assistance ponctuelle en écosystème pérenne où l’encadrement des familles militaires deviendrait une politique publique, non une exception charitable. Car la dignité retrouvée d’une centaine de personnes n’est qu’un début ; des milliers d’autres attendent leur tour dans l’ombre des casernes.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
