L’ultime sonnette d’alarme a retenti à Kinshasa. À l’issue des Journées sociales 2025 du Centre d’études pour l’action sociale (CEPAS), un front inédit d’acteurs socio-politiques et de partenaires internationaux s’est engagé à forger les outils d’une paix pérenne en République Démocratique du Congo et dans l’ensemble de la région des Grands Lacs. Une coalition hétéroclite, réunissant forces étatiques et non-étatiques, semble enfin prendre la mesure de l’urgence régionale.
Le directeur du CEPAS, le père Alain Nzadi-A-Nzadi, a posé un diagnostic sans concession : « La RDC doit prendre conscience de son destin, se réorganiser et améliorer sa gouvernance aussi bien politique que sécuritaire ». Un constat qui sonne comme un aveu des carences structurelles minant la stabilité RDC. Mais cette nécessaire introspection nationale n’élude pas, selon lui, l’impératif du dialogue régional : « C’est ainsi qu’elle pourra discuter de manière responsable avec ses voisins ».
La position du religieux tranche par son refus du fatalisme guerrier : « Nous ne sommes pas condamnés à nous haïr ou à nous faire perpétuellement la guerre ». Une affirmation qui interroge : pourquoi cette lucidité met-elle tant d’années à s’imposer dans les chancelleries ? Son plaidoyer pour une coexistence pacifique avec les neuf pays frontaliers souligne l’interdépendance des sécurités nationales.
L’originalité de ce processus de paix CEPAS réside dans son appel à un rééquilibrage des pouvoirs. Le père Nzadi-A-Nzadi a vigoureusement défendu le rôle pivot de la société civile : « Elle doit jouer un rôle essentiel et ne pas laisser les seules autorités politiques décider de notre avenir ». Une mise en garde subtile contre les accords conclus dans l’entre-soi des palais présidentiels, souvent déconnectés des réalités territoriales.
Ces assises, placées sous le thème « La multiplicité des processus de paix face aux déterminants d’une paix durable en RDC », ont bénéficié de l’expertise conjuguée de l’Université Loyola du Congo, du centre de recherche Ebuteli et du CADICEC. Cette collaboration inédite suggère-t-elle l’émergence d’un think tank africain capable de rivaliser avec les cercles de réflexion occidentaux ?
La gouvernance politique Congo se trouve ici soumise à une critique constructive. Les recommandations insistent sur l’architecture sécuritaire, talon d’Achille chronique de l’État congolais. Mais l’équation demeure complexe : comment concilier souveraineté nationale et interdépendance régionale ? La réconciliation Grands Lacs passe-t-elle par un désarmement des discours bellicistes autant que des milices ?
Ce forum aura au moins eu le mérite de poser les bases d’un nouveau paradigme. Reste à savoir si cette feuille de route survivra aux tempêtes prévisibles. Les promoteurs de la stabilité RDC parviendront-ils à imposer leurs vues face aux logiques de prédation et aux calculs géopolitiques à courte vue ? La réponse se jouera moins dans les enceintes diplomatiques que dans la capacité à impliquer les populations dans cette fragile construction.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net