Dans un mouvement stratégique qui pourrait redessiner la carte des investissements miniers en République démocratique du Congo, Alphamin Resources Corp. vient de céder sa participation majoritaire à un acteur du Golfe. L’annonce tombée ce jeudi depuis le siège mauricien de la société révèle la vente de 718 990 967 actions ordinaires – représentant 56% du capital – à International Resource Holding (IRH), basée à Abou Dhabi. Le montant de la transaction s’élève à 503 millions de dollars canadiens (367 millions USD), soit un prix unitaire de 0,70 dollar canadien sous réserve d’ajustements techniques.
Cette opération financière d’envergure intervient dans un contexte opérationnel particulièrement sensible pour Alphamin, dont l’activité phare reste la mine d’étain de Bisié, située dans le territoire de Walikale au Nord-Kivu. Après l’évacuation d’urgence du personnel le 13 mars 2025 face à l’avancée du groupe armé M23, la société avait entamé une remobilisation progressive de ses effectifs mi-avril, suite au recul des combattants à plus de 130 km du site minier. Or, Bisié n’est pas un actif quelconque : avec environ 6% de la production mondiale d’étain, cette installation constitue un pilier du marché global des métaux industriels.
Qui est l’acquéreur IRH ? Cette société se présente comme un spécialiste de la sécurisation et de l’optimisation des chaînes d’approvisionnement en métaux, un profil particulièrement adapté aux défis logistiques que pose l’exploitation minière dans l’Est congolais. La finalisation de l’accord reste néanmoins suspendue à plusieurs conditions préalables, notamment l’obtention des approbations réglementaires tant congolaises qu’internationales. Le conseil d’administration d’Alphamin mène actuellement une évaluation approfondie des implications opérationnelles et stratégiques de cette cession.
Cette transaction survient dans un paysage géopolitique complexe. Lors d’une récente visite à Kinshasa, le conseiller Afrique de l’ancien président américain Donald Trump a réaffirmé l’engagement des États-Unis en faveur d’une résolution pacifique du conflit dans l’Est, évoquant parallèlement des discussions en cours sur un éventuel accord minier avec les autorités congolaises. La vente d’actions d’Alphamin à un investisseur émirati pourrait-elle influencer ces négociations ? La question mérite d’être posée tant les enjeux sécuritaires et économiques sont imbriqués dans cette région riche en ressources.
Sur le plan macroéconomique, ce rachat majeur témoigne de l’attractivité persistante du secteur minier congolais malgré les risques sécuritaires. Le prix convenu de 0,70 CAD par action représente une prime significative par rapport aux cours récents, signalant la confiance d’IRH dans le potentiel à long terme de Bisié. Pour la RDC, cette opération soulève des interrogations cruciales : quel contrôle national sur des ressources stratégiques lorsque des capitaux étrangers prennent le contrôle d’actifs vitaux ? Comment garantir que cette nouvelle gouvernance bénéficiera réellement à l’économie locale ?
À court terme, tous les regards se tournent vers la reprise effective de la production à Bisié. Avant sa suspension forcée, le site produisait environ 12 000 tonnes d’étain concentré par an, générant des revenus fiscaux substantiels pour Kinshasa. Le redémarrage complet des opérations constituera le premier test concret pour IRH dans sa gestion post-acquisition. Dans un marché mondial de l’étain où les cours ont grimpé de 22% sur un an, la remise en route de cette mine stratégique pourrait influencer les équilibres globaux d’approvisionnement.
Alors que le conseil d’administration d’Alphamin peaufine son analyse des conséquences de cette transaction, une certitude s’impose : cette opération marque un tournant dans l’industrie extractive congolaise. Elle illustre à la fois la volatilité induite par les conflits armés comme le M23 et l’appétit inédit des investisseurs du Golfe pour les minerais critiques. Reste à savoir si ce changement de cap profitera in fine au développement économique de la RDC ou accentuera simplement la financiarisation de ses richesses souterraines.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd