Le territoire de Walikale, au Nord-Kivu, subit une crise économique silencieuse mais dévastatrice depuis l’installation de barrières fiscales illégales par les rebelles du M23. Après la prise de Kashebere (Walikale) et Kasopo (Masisi) en avril, ces groupes armés ont instauré une taxe vache Walikale de 10 USD par tête de bétail transitant entre ces zones, paralysant la filière bovine locale.
Cette ponction, qualifiée d’« impôt de guerre » par les éleveurs, a créé un goulot d’étranglement commercial. Les vaches provenant de Masisi, zone d’élevage traditionnelle, n’atteignent plus les marchés de Walikale centre et Mubi, principaux centres de consommation. Conséquence immédiate : une raréfaction inédite du bétail. « Comment maintenir notre activité quand chaque passage de barrière grève notre capital de 20 USD aller-retour ? », interroge un fournisseur sous couvert d’anonymat.
L’effet domino sur les prix viande Nord-Kivu est mathématique. La valeur d’une vache a bondi de 500 USD à 650-700 USD, soit une inflation de 30 à 40% en deux mois. Cette hausse se répercute directement sur le consommateur final : le kilogramme de viande bovine est passé de 18.000 à 24.000 Francs Congolais. Une envolée de 33% qui transforme la protéine animale en produit de luxe inaccessible pour nombre de ménages.
Les mécanismes de cette crise illustrent un crise économique Masisi-Walikale systémique. Les éleveurs compensent non seulement la taxe M23, mais aussi les surcoûts logistiques liés aux itinéraires de contournement. Les bouchers, pris en étau entre l’approvisionnement aléatoire et la baisse de la demande, sont contraints de répercuter ces coûts. Le cercle vicieux est enclenché : moins de bétail disponible → hausse des prix → contraction du marché → réduction des volumes vendus.
Face à cette inflation viande RDC localisée, le service territorial de l’Économie nationale a lancé un appel au « respect des structures de prix », resté lettre morte. L’impuissance des autorités face à cette économie de guerre soulève des questions fondamentales : jusqu’où peut s’enfoncer le pouvoir d’achat des populations dans les zones sous contrôle rebelle ? La viande bovine deviendra-t-elle un produit d’importation dans son propre bassin de production ?
Cette situation révèle comment une seule mesure coercitive – la M23 taxe bétail – peut désorganiser toute une filière agro-économique. Avec près de 70% des approvisionnements bovins interrompus selon les acteurs locaux, Walikale vit une mutation forcée de ses habitudes alimentaires. Les protéines alternatives (poisson, volaille) subissent déjà une pression inflationniste, indice d’une contagion économique inquiétante. Sans solution sécuritaire et fiscale, cette crise locale pourrait bien devenir le laboratoire d’une nouvelle économie de la pénurie dans l’Est congolais.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd
