Dans une décision qui fera date, Christian Bosembe, président du Conseil supérieur de la communication et des médias (CSAC), a décrété ce mardi une interdiction sans précédent : les médias congolais se voient désormais proscrire toute diffusion, commentaire ou relais d’actualités concernant le Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) ou son leader emblématique, l’ancien président Joseph Kabila. Annoncée sur les ondes de Top Congo FM, cette mesure radicale intervient dans un contexte politique particulièrement inflammable, alors que le pays s’interroge sur les limites de la liberté d’expression.
« À partir d’aujourd’hui, il est interdit aux journalistes et aux responsables des médias de diffuser, commenter ou relater les actualités liées au PPRD, ou de recevoir ses dirigeants », a déclaré Christian Bosembe, martelant l’interdiction de relayer les propos de Joseph Kabila. Une position qu’il présente comme un rempart contre la subversion, niant farouchement toute censure : « Ce n’est pas une censure : aucun droit n’a été violé. Il ne faut pas faire de la télévision une tribune de subversion ». Pourtant, cette décision du CSAC RDC, organe régulateur des médias, ressemble à s’y méprendre à un verrouillage autoritaire des ondes congolaises.
Le timing de cette annonce est révélateur. Elle survient alors que Joseph Kabila effectuait une visite remarquée à Goma, où il a prononcé un discours cinglant contre la gouvernance actuelle, proposant un « pacte citoyen » pour restaurer la démocratie. Des déclarations perçues comme une épine dans le pied du pouvoir, et qui ont immédiatement suscité des réactions officielles tranchées. Le ministre de la Communication, Patrick Muyaya, a balayé d’un revers de main l’influence de l’ancien chef de l’État : « Joseph Kabila est un homme du passé qui n’a absolument, dans le contexte actuel, rien à proposer pour l’avenir ». Une rhétorique de l’effacement qui contraste singulièrement avec la décision du CSAC de le censurer.
Quel message envoie donc cette interdiction médias PPRD ? S’agit-il d’une protection légitime de l’ordre public ou d’un étouffement calculé des voix dissonantes ? La question mérite d’être posée, tant la mesure semble calibrée pour neutraliser un adversaire politique encombrant. D’autant qu’elle coïncide avec une escalade judiciaire contre Kabila : le Sénat a récemment levé son immunité parlementaire, ouvrant la voie à des poursuites pour complicité présumée avec la rébellion du M23. Dans ce climat de règlements de comptes, la décision de Christian Bosembe apparaît comme un nouveau front dans la marginalisation systématique de l’ancien président.
Le ministre Muyaya tente de justifier la posture gouvernementale par une priorisation des « préoccupations de la population », évoquant des problèmes que Kabila « n’a pas pu régler à l’époque ». Mais cette argumentation peine à masquer la contradiction fondamentale : comment prétendre œuvrer pour la démocratie tout en bâillonnant médiatiquement l’opposition ? La liberté presse Congo, pilier constitutionnel, semble ici sacrifiée sur l’autel de la realpolitik. Cette interdiction crée un dangereux précédent où tout discours critique pourrait être assimilé à de la « subversion ».
À l’heure où la RDC traverse une crise sécuritaire à l’Est et des défis économiques majeurs, cette mesure restrictive interroge la santé démocratique du pays. En empêchant les médias de couvrir légalement une formation politique et son leader historique, le CSAC, sous la houlette de Christian Bosembe, risque d’enfermer le débat public dans un carcan monologique. Joseph Kabila censure devient ainsi le symbole d’une bipolarisation politique toxique, où la disparition médiatique d’un camp semble préférable à la confrontation d’idées. Reste à savoir si les journalistes congolais, déjà soumis à de multiples pressions, accepteront ce silence imposé ou résisteront par leur travail à cette tentative de réécriture de l’actualité.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd