La cicatrice est encore vive à Kisangani. « Je tenais la main de mon frère quand l’obus l’a fauché. Vingt-cinq ans après, cette rue sent toujours la poudre », confie un survivant anonyme, les yeux rivés sur le sol de la ville martyre. Ce témoignage glaçant ouvre la plaie jamais refermée de la guerre des Six Jours, dont le quart de siècle écoulé n’a pas effacé l’horreur.
L’Association des juristes pour la défense des droits de l’homme (AJDDH) lance un appel pressant aux autorités congolaises. À l’occasion de ce triste anniversaire, l’ONG exige une commémoration digne de ces événements qui ensanglantèrent Kisangani en juin 2000, opposant les armées rwandaise et ougandaise sur le sol congolais. « Comment construire une mémoire collective sans reconnaissance officielle ? », interroge Jeddidya Mabela, directeur exécutif de l’AJDDH, lors d’une conférence de presse tenue ce lundi 2 juin dans l’épicentre du drame.
Son analyse est sans concession : « L’impunité entretient les cycles de violences dans les Grands Lacs. Le Rwanda, jamais condamné, n’a assumé aucune conséquence de cette guerre éclair ». Cette dénonciation résonne comme un coup de tonnerre dans un pays toujours miné par l’insécurité frontalière. Le juriste martèle un impératif catégorique : pas de paix durable sans justice. Mais cette justice, prévient-il, doit s’appuyer sur « un pardon sincère », pierre angulaire de toute réconciliation en RDC.
Le constat est amer. Un quart de siècle après les combats qui firent des milliers de victimes civiles, les plaideurs des droits humains dénoncent l’amnésie d’État. Où sont les monuments aux disparus ? Les programmes scolaires relatant ces événements ? Les commémorations nationales ? L’absence de politique mémorielle nourrit le ressentiment dans une région où les conflits ressurgissent par cycles infernaux.
La solution ? Mabela esquisse une voie double. D’abord, doter la RDC d’une armée républicaine « capable de défendre l’intégrité territoriale ». Un rappel crucial alors que l’est du pays tremble encore sous les incursions armées. Ensuite, privilégier systématiquement les voies pacifiques de résolution des conflits. « Les armes ont parlé à Kisangani. Regardez ce qu’elles ont laissé : des veuves, des orphelins, une ville meurtrie », assène-t-il, le doigt pointé vers l’histoire récente.
Cette commémoration à Kisangani pose une question fondamentale : jusqu’à quand l’Afrique des Grands Lacs tournera-t-elle le dos à son passé sanglant ? L’AJDDH en fait un combat existentiel : sans travail de mémoire, point de réconciliation possible. Sans justice, point de paix durable. Le chemin reste escarpé, mais chaque anniversaire non célébré est une victoire posthume des bourreaux. Kisangani, elle, n’a pas oublié. Elle attend que la nation entende enfin son cri étouffé.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net