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RDC : l’ONU dénonce l’enfer des déplacés internes sous pression des groupes armés

Le témoignage de Nadège, mère de trois enfants rencontrée dans un camp de déplacés à Goma, résume le drame invisible : « On nous chasse comme des animaux de nos villages, puis on nous somme d’y retourner sans sécurité. Nos champs sont occupés, nos filles violentées. Vivre? Nous survivons à peine. » Ce récit glaçant illustre le constat accablant dressé par Paula Gaviria Betancur, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits humains des personnes déplacées, au terme de sa mission en République démocratique du Congo.

Du 19 au 30 mai 2025, cette diplomate onusienne a parcouru les provinces meurtries du Nord-Kivu, de l’Ituri et du Tanganyika, découvrant l’une des crises humanitaires les plus complexes au monde. Avec plus de 7,8 millions de déplacés internes selon le dernier plan de réponse humanitaire – soit près de 50% concentrés dans l’Est – la RDC porte le fardeau de conflits armés qui s’éternisent. « Cette crise s’aggrave avec les violences intercommunautaires et les groupes armés dont le M23 soutenu par le Rwanda », a martelé Gaviria lors de sa conférence de presse finale.

La Rapporteuse pointe un mécanisme de violence systémique : « Les filles et femmes sont utilisées comme outils aux fins de déplacement avec soumission de travail forcé. » Derrière cette formule technique se cache une réalité brutale : des milliers de Congolaises deviennent des armes de guerre, violées pour terroriser les populations et vider les territoires riches en minerais. Comment accepter que cette stratégie d’épuration se perpétue sous le regard de la communauté internationale ?

Le tableau s’assombrit encore avec le sous-financement chronique de l’aide. « La situation devient plus fragile avec l’arrêt de l’assistance financière des bailleurs et la fermeture de l’aéroport de Goma », déplore Gaviria. Un paradoxe cruel alors que le plan humanitaire 2025 réclame 2,54 milliards de dollars pour 11 millions de personnes vulnérables. Sans cet argent, les organisations humanitaires voient leurs capacités d’action s’étioler jour après jour.

Les solutions durables semblent s’éloigner. Les déplacés qui osent retourner chez eux découvrent leurs terres occupées par des combattants ou des opportunistes. « Ils ne demandent pas de charité mais des outils pour reconstruire leur vie », insiste la diplomate. Cette revendication légitime bute contre l’inaction politique. Malgré les recommandations pressantes adressées au gouvernement congolais – réforme foncière, sécurisation des zones de retour, justice transitionnelle – le chemin vers la paix reste miné.

Gaviria lance un appel glaçant de lucidité : « Le monde a les yeux tournés vers la RDC qui reconnaît l’ampleur de la crise. » Pourtant, les mécanismes de protection restent dérisoires face à l’hydre des groupes armés identifiés comme principaux bourreaux : la rébellion M23/AFC, les milices Mobondo et Zaïre. Ces factions imposent des retours forcés sans aucune garantie de sécurité, piétinant le principe fondamental de la dignité humaine.

La solution ? « Une réponse urgente qui combine action militaire responsable et justice sociale », plaide la Rapporteuse. Elle exige une inclusion systématique des déplacés dans les processus décisionnels et un audit transparent de la gouvernance financière. Le gouvernement congolais peut-il réellement assumer sa « responsabilité première » alors que 50% des déplacés survivent dans l’Est hors de son contrôle effectif ?

Alors que le pays sombre dans une « polycrise multidimensionnelle d’ampleur inédite » selon les termes du plan humanitaire, une question taraude : jusqu’à quand la communauté internationale détournera-t-elle le regard ? Le courage des déplacés congolais force l’admiration, mais leur résilience a des limites. Sans engagement concret pour la restitution des terres et un financement pérenne de l’aide, des millions de Nadège continueront d’errer dans leur propre pays, condamnées à l’exil intérieur.

Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd

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Chloé Kasong
Chloé Kasong
Issue de Kinshasa, Chloé Kasong est une analyste rigoureuse des enjeux politiques et sociaux de la RDC. Spécialisée dans la couverture des élections, elle décortique pour vous l’actualité politique avec impartialité, tout en explorant les mouvements sociaux qui façonnent la société congolaise. Sa précision et son engagement font d'elle une voix incontournable sur les grandes questions sociétales.
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