Dans une décision marquante du Conseil des Ministres du 30 mai 2025, le gouvernement congolais a dévoilé sa stratégie de relance agriculture RDC, ciblant spécifiquement le potentiel négligé du secteur public agricole. Jean-Lucien Bussa Tongba, ministre du Portefeuille, a présenté un plan ambitieux visant à ressusciter deux fleurons industriels : le parc agro-industriel de Bukanga Lonzo et l’usine d’engrais Triomf RDC. Cette initiative survient dans un contexte paradoxal, alors que les condamnations pour détournement fonds Bukanga Lonzo viennent d’être prononcées.
Pour le projet Bukanga Lonzo, le ministre préconise la création urgente d’une commission mixte interinstitutionnelle. Sa mission? Établir un diagnostic exhaustif couvrant l’état des infrastructures, la gouvernance, l’actionnariat et les engagements financiers. « Cela permettra d’élaborer un plan de relance basé sur des éléments objectifs pour rentabiliser l’investissement agricole Congo déjà consenti », a souligné Bussa Tongba. Rappelons que l’État a injecté 285 millions USD dans ce projet pilote destiné à l’autosuffisance alimentaire, dont plus de 200 millions ont été détournés selon les jugements récents.
Deuxième pilier de cette relance : la réactivation de Triomf RDC, filiale spécialisée dans la production d’engrais. Le gouvernement cherche des financements innovants pour couvrir investissements, fonds de roulement et trésorerie. « L’urgence est de rendre performantes ces entreprises dont l’objet social correspond à la croissance agricole », a insisté le ministre. Cette relance répond à un défi criant : la RDC importe pour 1,5 milliard USD annuels de denrées alimentaires, conséquence directe des carences structurelles du secteur.
Comment expliquer cette volonté de relancer des entités entachées par des scandales financiers? La réponse réside dans l’impératif économique. Avec seulement 10% des 80 millions d’hectares de terres arables exploités, le secteur agricole reste un moteur inexploité de croissance. Le Triomf RDC engrais pourrait révolutionner la productivité des petits exploitants, tandis que Bukanga Lonzo possède des infrastructures clés (silos, systèmes d’irrigation) valorisables. Mais la réussite exige une transparence sans faille, comme le rappellent les condamnations à 10 ans de travaux forcés de l’ex-Premier ministre Augustin Matata Ponyo et de ses coaccusés pour détournement massif.
L’Inspection Générale des Finances avait révélé l’ampleur des décaissements sans contrepartie réelle : moins de 10% des terres aménagées, des équipements sous-utilisés et des dettes colossales envers l’État. Pourtant, le gouvernement mise sur un retour sur investissement via une gestion renouvelée. Les pistes explorées incluent des partenariats public-privé contrôlés et l’optimisation des actifs existants. Le défi est de taille : transformer des symboles de gabegie en leviers de souveraineté alimentaire.
À l’heure où les importations alimentaires pèsent lourdement sur la balance commerciale, cette relance apparaît comme un pari nécessaire mais risqué. La crédibilité du processus dépendra de la rigueur de la commission d’évaluation et des mécanismes de contrôle mis en place. Si les erreurs passées servent de leçon, ces projets pourraient enfin concrétiser leur promesse initiale : faire de la RDC un grenier agricole régional. Dans le cas contraire, ne risque-t-on pas de voir se répéter les dérives qui ont conduit au fiasco originel?
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd