Kinshasa, ce jeudi 29 mai, baignait dans une atmosphère de recueillement intellectuel. Sous le ciel tropical du rond-point Forescom, l’hommage Valentin Yves Mudimbe prenait forme, un mois après la disparition du géant des lettres congolaises. La librairie SIM-Livres pour les Grands Lacs et l’Observatoire africain de la sanction positive (OASP RDC) unissaient leurs voix pour célébrer l’œuvre d’un philosophe dont les mots ont sculpté la conscience africaine.
L’air vibrait de cette alchimie particulière où le chuchotement des pages tournées se mêlait aux murmures respectueux. Comment rendre justice à un tel monument ? L’OASP RDC apporta une réponse lumineuse en annonçant la création du prix littéraire africain « Mudimbe Mwangaza wa Africa ». Cette distinction, telle une flamme transmise, récompensera désormais chaque année les auteurs du continent dont les plumes engagées éclairent les chemins de la pensée, perpétuant ainsi l’ambition première de Mudimbe : extraire l’Afrique des ténèbres par la puissance des idées.
La cérémonie se déploya comme un livre ouvert. Une présentation minutieuse de la bibliographie du maître traça l’arc-en-ciel de ses contributions, depuis L’Autre Face du royaume jusqu’aux fulgurances des Corps glorieux. Puis vint le temps vivant de la transmission : un concours de dictée et d’épellation puisa son inspiration dans les pages du Bel Immonde, ce roman où la langue se fait à la fois arme et bouclier. Parmi les jeunes esprits en éveil, Muriel Kimoto du Joviemly High School et Juliana Mbombo du Complexe La Bénédiction émergèrent, couronnées pour leur maîtrise linguistique. « La lecture peut vous ouvrir beaucoup de portes », confia Muriel, son prix serré contre elle, symbole d’une relève consciente de son héritage.
Le professeur André Kabwik Muyej, commissaire général de l’OASP RDC, scella cet hommage d’une parole forte : « Nous honorons un homme dont la vie fut un combat contre l’obscurantisme. » Sa voix portait cette gravité qui fait trembler les certitudes, rappelant que Mudimbe n’était pas seulement un écrivain congolais, mais un phare dont le rayonnement traverse les frontières. Sous les arbres du rond-point, chaque participant semblait porter un fragment de cette mémoire, comme on tient un précieux manuscrit contre son cœur.
Ce prix Mudimbe Mwangaza wa Africa n’est-il pas le plus bel hommage ? Une semence jetée dans le terreau fertile de la jeunesse africaine, promesse de moissons futures où la pensée critique fleurira. Valentin Yves Mudimbe, par ses écrits, avait allumé un feu ; Kinshasa, en ce jour de mai, a soufflé sur les braises pour qu’il ne s’éteigne jamais. Son œuvre demeure ce phare qui, de la RDC au reste du continent, continue de guider les navigateurs de l’esprit à travers les écueils de l’oubli et les courants trompeurs de la pensée unique. Et dans le clair-obscur des consciences, sa lumière persiste.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net