Dans un geste politique inédit, les gouverneurs des provinces issues de l’ex-Orientale ont scellé à Isiro une alliance stratégique qui pourrait redéfinir la géopolitique régionale. Christophe Baseane Nangaa (Haut-Uele), Jean-Robert Nziko Botanga (Bas-Uele), Johnny Luboya Nkashama (Ituri) et Maurice Abibu Sakapela (Tshopo) ont paraphé un arrêté interprovincial historique après deux jours de conclave, officialisant ainsi un cadre permanent de concertation. Une initiative qui soulève une question cruciale : cette collaboration interprovinciale en RDC parviendra-t-elle à transcender les clivages habituels ?
La feuille de route de la Grande Orientale, document fondateur dévoilé à l’issue des travaux, déploie une architecture ambitieuse articulée autour de trois piliers stratégiques. La sécurité, talon d’Achille de la région, occupe le premier rang des priorités avec un engagement à apaiser les conflits coutumiers et fonciers qui minent la cohésion sociale. Les chefs provinciaux entendent également résoudre l’épineuse question des délimitations territoriales, source récurrente de tensions.
Sur le front institutionnel, les gouverneurs promettent un renforcement musclé des services de l’État, de l’administration territoriale à la justice en passant par l’état civil. Dans un plaidoyer à l’adresse de Kinshasa, ils réclament avec insistance l’accélération de l’indemnisation des victimes des exactions attribuées aux forces ougandaises. Un dossier explosif qui traîne depuis des décennies dans les tiroirs ministériels.
Le volet infrastructures révèle l’ambition démesurée du projet : réhabilitation complète des RN3, RN4, RN25 et RN26, ces artères vitales à l’abandon, sans oublier les ponts, ports et voies ferrées fantômes. Mais la mesure phare, celle qui a fait couler le plus d’encre, reste la création d’une compagnie aérienne interprovinciale. Ce projet aéronautique vise à désenclaver cet immense territoire où les déplacements relèvent souvent du parcours du combattant. Une initiative audacieuse qui pourrait dynamiser l’économie locale si elle voit le jour.
Reste l’épineuse question du financement de cette feuille de route ambitieuse. Les gouverneurs comptent sur un savant dosage entre ressources propres, appui du gouvernement central et rétrocessions financières. Une équation budgétaire qui ressemble à un pari osé, tant les caisses provinciales peinent déjà à couvrir les dépenses courantes. La sécurité des infrastructures en RDC a un coût que personne ne semble encore avoir chiffré.
Cette réunion des gouverneurs à Isiro marque-t-elle l’acte de naissance d’une nouvelle gouvernance régionale ou simplement un énième catalogue de bonnes intentions ? L’histoire jugera. Mais une certitude s’impose : la mise en œuvre de ce programme nécessitera une volonté politique sans faille et une coopération inédite avec Kinshasa. Le prochain rendez-vous, déjà inscrit dans le chronogramme, constituera le premier test de crédibilité de cette alliance inédite dans l’Est congolais.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net