26.2 C
Kinshasa
lundi, juin 2, 2025

Toute l'Actualité RDC, en Direct et en Détail

AccueilActualitéÉconomieFunding crunch & rebond : cartographie 2025 du capital-risque tech en Afrique

Funding crunch & rebond : cartographie 2025 du capital-risque tech en Afrique

Après plusieurs années d’euphorie où les start-up africaines levaient des fonds records, le continent a connu un sérieux coup de frein. Le capital-risque tech en Afrique a traversé une période de disette en 2024, avant de montrer des signes de rebond début 2025. Que s’est-il passé pour qu’en 2024 les investissements technologiques chutent d’environ 28 % par rapport à 2023 ? Quelles en sont les causes ? Quels pays et secteurs tirent leur épingle du jeu, et comment l’année 2025 s’annonce-t-elle ? Tour d’horizon clair et pédagogique de la situation, à la lumière des données de sources de référence (Partech, Briter Bridges, Disrupt Africa, AVCA, Startup Genome…).

2024, année de contraction

L’année 2024 a marqué une contraction brutale du financement des start-up tech africaines. Les montants investis ont reculé d’environ 25 à 28 % par rapport à 2023 d’après les principaux observateurs. Concrètement, le total des fonds levés est passé d’environ 3,9 milliards de dollars en 2023 à ~2,8 milliards en 2024. Le nombre de tours de table a lui aussi diminué, de l’ordre de 19 à 22 % selon les estimations. Ce recul fait suite à un véritable krach survenu dès 2023, où le funding avait chuté de près de 46 % par rapport à 2022. En somme, la belle croissance des années 2018-2021 a cédé la place à un “funding winter” (hiver du financement) prolongé.

Qu’est-ce qui a provoqué ce coup de frein ? Les causes sont d’abord macroéconomiques. L’Afrique a subi de plein fouet la hausse mondiale de l’inflation et des taux d’intérêt, qui a renchéri le coût du capital et refroidi l’ardeur des investisseurs à risque. À cela se sont ajoutées des dévaluations monétaires dans plusieurs pays, une remontée du dollar et des perturbations géopolitiques (guerre en Ukraine, tensions commerciales). Ces facteurs ont conduit de nombreux fonds internationaux à replier leurs billes vers des marchés jugés moins risqués, provoquant un désengagement de capital étranger. En 2023, le nombre d’investisseurs actifs en Afrique a même chuté de 50 %, illustrant ce retrait massif des fonds internationaux.

Parallèlement, les valorisations des start-up ont été revues à la baisse et les levées de fonds sont devenues plus longues et plus difficiles. Les jeunes pousses africaines en phase d’amorçage ou de série A ont dû apprendre à faire le dos rond, en réduisant leurs dépenses et en allongeant leur piste financière, dans l’attente de jours meilleurs. Plusieurs ont opté pour des tours de table intermédiaires (extensions de levées existantes) faute de pouvoir boucler un nouveau tour classique. Les investisseurs restants, plus frileux, ont durci leurs exigences et négocié des tickets à des conditions plus strictes.

. Cet essor du capital local, souligné par l’African Private Capital Association (AVCA), témoigne d’une certaine résilience de l’écosystème africain malgré un contexte mondial morose. En somme, 2024 fut une année de contraction, mais le continent a su limiter la casse comparativement à d’autres régions émergentes, en attendant le retour du beau temps.

Un rebond en cours ?

Les premiers signes de reprise sont apparus dès la fin 2024. Fait notable, environ deux tiers des fonds de 2024 ont été levés sur le second semestre, signe que l’appétit des investisseurs commençait déjà à revenir en fin d’année. Cette tendance s’est confirmée en 2025. Sur les quatre premiers mois de 2025, les start-up africaines ont levé environ 801 millions de dollars, soit une hausse de +43 % par rapport à la même période début 2024. Le contraste est saisissant avec 2024 : là où l’an dernier le financement stagnait, 2025 renoue avec la croissance.

Le mois d’avril 2025 a particulièrement marqué les esprits. Les start-up du continent ont levé 343 millions de dollars sur le seul mois d’avril (pour les deals >100 k$), un niveau jamais vu depuis le boom d’avril 2022. C’est un véritable sursaut par rapport au creux de seulement 50 M$ enregistré en mars 2025. Comparé à avril 2024, le volume investi a été multiplié par 4,5 !. Plusieurs méga-deals ont dopé ces chiffres, illustrant un retour de la confiance. Par exemple, en Afrique du Sud la start-up healthtech hearX a bouclé un financement de 100 M$ via sa fusion avec l’américain Eargo – le premier deal à neuf chiffres de 2025 sur le continent. En Égypte, la fintech islamique Bokra a réalisé une levée originale de 59 M$ sous forme de sukuk (obligations conformes à la finance islamique), un bon en avant impressionnant après son modeste pré-amorçage de 4,6 M$ l’année précédente. Et en Afrique du Sud, la fintech de paiements Stitch a sécurisé 55 M$ pour accélérer son expansion panafricaine. Ces quelques deals phares, dans des secteurs variés (finances, santé, paiements), ont suffi à relancer la machine et à restaurer un certain optimisme.

Au-delà des montants, d’autres indicateurs témoignent du frémissement positif. Le nombre de transactions repart à la hausse: 163 deals ont été recensés entre janvier et avril 2025, contre 147 à la même période l’an dernier. Signe d’un écosystème plus actif, on compte également plus de 225 investisseurs distincts impliqués sur ces premiers mois. Autre élément notable, la taille des tours de table tend à augmenter, reflet d’une consolidation : le chèque médian a atteint 2,5 M$ en 2024, en hausse de 32 % d’après l’AVCA, et cette tendance aux tickets plus élevés semble se maintenir en 2025. Cela signifie que si moins de start-up ont été financées en 2024, celles qui parviennent à tirer leur épingle du jeu lèvent des montants plus importants, souvent pour des phases de croissance.

Bien sûr, tout n’est pas encore gagné. Les analystes restent prudents sur la suite de 2025, soulignant qu’il faudrait que cette dynamique se poursuive sur le reste de l’année pour compenser totalement le trou d’air de 2024. « Il est un peu tôt pour proclamer la fin du funding winter, mais l’écosystème a clairement repris des couleurs ce printemps », note ainsi le site spécialisé Techloy. Entre janvier et avril 2025, le total levé (801 M$) reste encore modeste à l’échelle globale – c’est, par exemple, moins de 1 % des montants annuels investis dans la tech aux États-Unis – mais la trajectoire est redevenue ascendante. Avec plus d’un milliard de dollars de nouveaux fonds d’investissement dédiés à l’Afrique levés depuis 2024 par les VC (fonds Partech Africa II, AfricInvest, etc.), les ressources à déployer ne manquent pas. Si la conjoncture mondiale se stabilise et que la confiance revient durablement, 2025 pourrait bien marquer la fin de la parenthèse difficile et le retour à la croissance pour la tech africaine.

Les Big Four dominent le capital-risque africain

D’un point de vue géographique, le capital-risque tech en Afrique demeure très concentré sur un quatuor de marchés phares. Le Kenya, le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Égypte – surnommés les “Big Four” – captent l’écrasante majorité des financements. En 2024, ces quatre pays ont attiré environ 84-85 % de l’ensemble des fonds levés sur le continent, confirmant une tendance observée depuis la fin des années 2010.

Le Kenya s’est hissé en tête du peloton en 2024, une position qu’il occupe pour la deuxième année consécutive selon les données de Africa: The Big Deal. Les start-up kényanes ont levé 638 millions de dollars en 2024, soit 29 % de tous les fonds du continent. Cette performance s’explique en partie par de très grosses opérations dans la climat-tech (cleantech). Nairobi est en effet devenu un hub pour les start-up alliant technologie et énergie propre. On peut citer l’exemple de d.light, spécialiste kényan de l’énergie solaire hors-réseau, qui a levé à lui seul  176 M$ en juillet 2024. D’autres deals importants ont suivi, comme les 42 M$ obtenus par BasiGo (mobilité électrique) en octobre 2024. Ces levées dans l’énergie solaire, l’agritech ou la mobilité verte font que le Kenya est un cas à part : en 2024, 46 % des fonds levés dans le pays relevaient du cleantech et 15 % de l’agritech, contre seulement 13 % pour la fintech. Nairobi s’impose ainsi comme le champion africain des technologies climat et agricoles, soutenu par de grands investisseurs d’impact.

Le Nigeria, longtemps leader incontesté, a légèrement rétrogradé en 2024 mais reste un acteur majeur. Lagos et son écosystème ont attiré un peu plus de 400 millions de dollars en 2024, ce qui fait du Nigeria le numéro deux continental en montant levé. Le pays concentre à lui seul près de 70 % des investissements en Afrique de l’Ouest. Cette domination nigériane s’explique historiquement par la force de ses fintechs. Des startups comme Flutterwave (paiements numériques) ou Opay (super-app de services financiers), valorisées chacune en licorne, ont mis Lagos sur la carte mondiale de la tech. En 2024, les fintechs nigérianes ont continué de drainer l’essentiel des capitaux du pays – la fintech représente environ 72 % des fonds levés au Nigeria, un record. Toutefois, le Nigeria a souffert de difficultés macroéconomiques (inflation élevée, dévaluation du naira) qui ont freiné certains investisseurs. Malgré tout, le pays garde une place de choix et possède le plus grand vivier de start-up du continent. Il reste notamment en pointe dans les paiements mobile et le lending, avec une population jeune et connectée de plus de 200 millions d’habitants comme marché domestique.

L’Égypte figure également parmi les Big Four, portée par l’essor de la scène tech du Caire. En 2024, l’Égypte a levé autour de 300 à 400 M$ pour ses start-up tech, soit l’équivalent du Nigeria. Le pays a toutefois connu un fort recul (-37 % YoY) par rapport à 2023, conséquence directe des défis économiques locaux. L’inflation y a dépassé 30 %, la livre égyptienne a été dévaluée de plus de 40 % en un an, ce qui a pesé sur les investissements étrangers. Néanmoins, l’écosystème égyptien reste dynamique et diversifié, avec une scène fintech, e-commerce et edtech en plein développement. L’Égypte a concentré à elle seule 84 % des fonds de la région Afrique du Nord en 2024, témoignant de son rôle de moteur régional. Le Caire a vu émerger des success stories comme Fawry (paiements numériques, entrée en bourse) ou Swvl (transport tech, entrée au NASDAQ), prouvant la maturité croissante de ses start-up. Malgré la contraction, l’Égypte demeure l’un des marchés les plus attractifs du continent grâce à sa large population et à un vivier d’ingénieurs talentueux.

Enfin, l’Afrique du Sud complète ce quatuor de tête. Berceau historique de la tech africaine, le Cap et Johannesburg ont attiré environ 395 M$ en 2024, soit à peu près 18 % du total africain. Ce montant a baissé d’un tiers par rapport à 2023, reflétant un attentisme des investisseurs vis-à-vis de l’économie sud-africaine en difficulté (croissance en berne, crise énergétique). Il n’en reste pas moins que l’Afrique du Sud a le plus grand nombre de deals du continent après le Nigeria (en 2024, plus de 100 transactions recensées)【41†look】 et concentre l’essentiel de l’activité en Afrique australe (presque 99 % des fonds de la sous-région lui reviennent). Le pays se distingue par des secteurs comme les fintechs (70 % des fonds levés localement), la HealthTech ou les solutions B2B. Des start-up sud-africaines pionnières (Naspers/Prosus en investissement, le paiement Payfast, l’assurtech Yoco, etc.) ont pavé la voie. En 2024, on a vu par exemple la scale-up Clickatell (messagerie fintech) lever 91 M$ et devenir une des valeurs sûres de la tech sud-africaine. Malgré un contexte intérieur difficile, le pays reste un pôle d’innovation clé, soutenu par un secteur financier solide et des universités de premier plan.

Au-delà de ces quatre locomotives, le reste de l’Afrique ne représente qu’environ 15 % du funding. Quelques écosystèmes émergents se distinguent néanmoins. En 2024, le Ghana a par exemple attiré ~68 M$ (notamment grâce à des fintechs), le Maroc autour de 70 M$ (tiré par la logistique et les plateformes numériques), ou encore la Tunisie ~21 M$. Des pays comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire, la Tanzanie ou l’Ouganda se situent dans la fourchette de 10 à 50 M$ annuels. Ces montants restent modestes, mais traduisent l’émergence progressive d’écosystèmes hors Big Four. Dans l’ensemble toutefois, l’axe Nigeria-Kenya-Afrique du Sud-Égypte demeure le cœur battant du capital-risque africain – une réalité que les investisseurs gardent à l’esprit lorsqu’ils cartographient les opportunités sur le continent.

L’ascension de l’IA made in Africa

Parmi les secteurs technologiques, s’il en est un qui suscite un enthousiasme grandissant, c’est bien celui de l’intelligence artificielle (IA). À l’échelle mondiale, l’IA a connu un véritable boom récent : en 2024, elle a représenté à elle seule près d’un tiers du venture capital mondial, avec plus de 100 milliards de $ investis dans des startups IA (+80 % en un an). L’Afrique n’a pas encore connu une vague d’investissements d’une ampleur similaire, mais les signaux d’accélération de l’IA africaine se multiplient.

D’après l’AVCA, les start-up africaines spécialisées en IA ont levé environ 108 M$ en 2024. Cela reste modeste (environ 3 % seulement des 3,6 Mds$ investis), mais ce chiffre ne reflète qu’en partie la réalité car l’IA est souvent intégrée transversalement dans d’autres secteurs (fintech, santé, agro…). D’autres analyses estiment ainsi que l’IA représentait déjà environ 13 % des financements tech en Afrique fin 2024, à égalité avec la cleantech parmi les verticales en vue. Quoi qu’il en soit, l’intérêt des investisseurs pour l’IA “made in Africa” est bel et bien réel. Lors du sommet technologique GITEX Africa en 2023, beaucoup pariaient que l’IA deviendrait un moteur d’attraction de capitaux pour le continent, venant compenser en partie le ralentissement du financement traditionnel.

Signe des temps, l’Afrique voit émerger une myriade de jeunes pousses misant sur l’IA pour résoudre des problèmes locaux. On dénombre déjà plus de 2 400 entreprises axées sur l’IA en Afrique, dont 40 % fondées ces cinq dernières années. À Nairobi, Lagos, Le Caire ou Casablanca, ces innovateurs appliquent l’intelligence artificielle à des enjeux très variés : diagnostic médical à distance, optimisation des récoltes agricoles, chatbots pour les services financiers, analyse des langues africaines, etc.. L’IA n’est plus un concept lointain : elle se met au service des besoins du terrain africain, souvent dans un esprit frugal et pragmatique.

Des success stories africaines en IA commencent à poindre. L’exemple le plus emblématique est sans doute InstaDeep, startup tunisienne fondée en 2014, spécialisée dans le deep learning appliqué à la décision d’entreprise. InstaDeep a développé des systèmes d’IA avancés et a gagné la confiance de géants mondiaux – au point d’être rachetée début 2023 par le groupe pharma BioNTech pour une valorisation de près de 700 M$ (un record pour une deeptech africaine). Son parcours illustre qu’une startup IA africaine peut atteindre l’échelle mondiale. En Afrique du Sud, la startup DataProphet s’est imposée dans l’industrie 4.0 : elle fournit des solutions d’IA aux usines pour améliorer la qualité et le rendement des chaînes de fabrication. Cette deeptech du Cap a levé plusieurs millions de dollars (notamment 10 M$ en 2022) et travaille avec des fabricants d’automobiles pour réduire les défauts de production grâce au machine learning. Dans le domaine de la santé, on peut citer Envisionit Deep AI en Afrique du Sud, qui utilise l’IA pour analyser des imageries médicales. Cette medtech a levé 1,65 M$ en 2023 afin d’étendre l’accès au diagnostic radiologique assisté par IA dans les hôpitaux africains. De même, la nigériane RxAll a développé une solution basée sur l’IA pour détecter les médicaments contrefaits via un scanner portable – une innovation précieuse dans la lutte contre les faux médicaments en Afrique.

Au-delà des scale-ups, une nouvelle vague de start-up IA se forme, souvent issues de la recherche locale. Par exemple, en 2025 la jeune pousse ToumAI (basée au Maroc) a réussi à lever 1 million de dollars en pré-amorçagetechpoint.africa pour développer des solutions d’IA conversationnelle en langue arabe et africaine. Son nom évoque le “mont Toumaï” du Sahel, symbole d’un espoir technologique africain. De son côté, la plateforme zambienne Zindi organise des concours de data science mobilisant des milliers de jeunes développeurs africains, stimulant tout un écosystème de talents en IA. Sans oublier les efforts des grands acteurs : Google a implanté un centre de recherche en IA au Ghana dès 2019, et des programmes comme Startup Genome soulignent que l’IA en Afrique a un rôle crucial à jouer dans le développement durable de la prochaine décennie.

En somme, l’IA “made in Africa” est en pleine ascension, portée par des besoins locaux pressants, une jeunesse inventive et un intérêt croissant des investisseurs. Certes, des défis persistent – manque de données locales, infrastructures numériques parfois limitées, besoin de former davantage de spécialistes – mais la dynamique est lancée. L’optimisme est de mise en ce début 2025 : après le creux de la vague de 2024, l’écosystème tech africain se redresse, fin prêt à écrire un nouveau chapitre. Fintech matures, innovations climatiques, et désormais intelligence artificielle – autant de domaines où l’Afrique innove, attire des capitaux et trace sa propre route dans la tech mondiale. Si la conjoncture économique se stabilise, le rebond du capital-risque africain pourrait bien se confirmer et offrir au continent une décennie 2025 riche en success stories et en avancées technologiques inclusives. Les entrepreneurs africains ont prouvé leur résilience ; ils sont désormais aux avant-postes pour transformer l’essai du rebond en succès durable.

Sources : rapports Partech (2024 Africa Tech Venture Capital Report), Briter Bridges (Africa Investment Report 2024), données Africa: The Big Deal, AVCA (Venture Capital in Africa 2024), Disrupt Africa, Startup Genome, articles de Techloy, Semafor et African Business.

Commenter
Actualité Liée

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici


Actualité Populaire Liée

Actualité Populaire RDC

Derniers Appels D'offres