La tension palpable ce mardi dans le cabinet du gouverneur de Kinshasa en dit long sur l’épineux dossier qui oppose désormais l’exécutif provincial aux maillons essentiels de la logistique congolaise. Daniel Bumba, confronté à une intersyndicale de chauffeurs de poids lourds en colère, a dû naviguer entre fermeté politique et écoute forcée face à une mesure de restriction de circulation nocturne qui cristallise les frustrations. Un face-à-face révélateur des fractures entre stratégie urbaine et réalité économique.
À l’origine du conflit, une décision administrative aussi radicale que controversée : l’interdiction pour les poids lourds de sillonner les artères de Kinshasa entre 22h et 5h du matin. Les transporteurs, réunis en front commun, dénoncent avec véhémence ce qu’ils qualifient de « coup de poignard dans le dos » de leur secteur. « Comment prétendre réguler les embouteillages nocturnes en paralysant ceux qui ravitaillent la ville ? », interroge l’un des délégués syndicaux sous couvert d’anonymat. Leur argumentaire frappe juste : cette restriction menace d’étrangler la chaîne d’approvisionnement de la mégapole, déjà fragile, tout en aggravant la précarité des travailleurs du transport routier.
Le gouverneur Bumba, dans une démonstration de maîtrise politique teintée d’urgence, a joué la carte du dialogue contraint. Face aux protestations matérialisées par le blocage stratégique de plusieurs axes vitaux, le chef de l’exécutif provincial a lancé un appel au calme tout en exigeant la levée immédiate des barrages routiers. « Nous comprenons vos inquiétudes, mais la paralysie n’est pas une solution », aurait-il déclaré selon des sources proches des discussions. Une position délicate pour celui qui défend bec et ongles cette mesure phare de son plan de décongestion du trafic kinois.
Car derrière ce bras de fer se profile un calcul politique risqué. Les autorités justifient la restriction des poids lourds par leur contribution supposée aux embouteillages monstres qui asphyxient Kinshasa la nuit. Pourtant, cette vision technocratique bute sur une réalité implacable : près de 70% des marchandises entrant dans la capitale transitent par ces véhicules. Le paradoxe est cruel : vouloir fluidifier le trafic en compromettant l’approvisionnement de 17 millions d’habitants relève-t-il de l’audace ou de l’inconséquence ?
Dans les coulisses de cette crise, un autre enjeu se dessine : la crédibilité même du gouvernorat dans sa gestion des dossiers sensibles. L’accusation de « précipitation » lancée par les syndicats transporte une charge symbolique lourde. Daniel Bumba, souvent présenté comme un technocrate méthodique, pourrait-il voir son image écornée par ce qui s’apparente à un cafouillage réglementaire ? La réponse se niche peut-être dans le calendrier des prochaines négociations annoncées dans l’urgence.
Alors que les discussions se poursuivent dans une atmosphère électrique, plusieurs scénarios se profilent. Un assouplissement des horaires ? Des corridors logistiques dédiés ? Ou au contraire, un durcissement face à ce que certains conseillers du gouverneur qualifient déjà de « chantage à la pénurie » ? Ce qui est certain, c’est que l’équation kinshasaise vient de gagner en complexité. Entre la nécessité de désengorger une capitale étouffée par ses propres contradictions et l’impératif de maintenir son pulsion économique, la marge de manœuvre de Daniel Bumba semble se rétrécir comme peau de chagrin. Le prochain acte de ce duel politique s’annonce décisif pour l’avenir de la circulation dans la capitale congolaise.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
