Une comparaison chiffrée frappante a scellé le virage stratégique de Kinshasa : à 10 310 dollars la tonne, le cacao surpasse désormais le cuivre (9 534 dollars), devenant un levier inattendu de la diversification économique RDC. Cette révélation, faite par le ministre du Commerce extérieur Julien Paluku ce mardi 27 mai, illustre la volonté gouvernementale de transformer l’agriculture en “moteur essentiel” de la croissance nationale. Une ambition portée lors d’une conférence de presse conjointe avec Patrick Muyaya, ministre de la Communication.
Le constat initial est sans appel : “Lorsqu’on analyse l’impact des secteurs miniers […], le pays n’a pas pleinement bénéficié de leurs retombées économiques”, a martelé Paluku. Le cobalt, bien qu’atteignant 33 000 dollars la tonne, n’a pas empêché une dépendance structurelle. Cette lucidité motive un rééquilibrage historique vers le secteur agricole Congo, répondant à une injonction présidentielle. Mais pourquoi ce pivot semble-t-il si urgent aujourd’hui ?
L’équation économique présentée par le gouvernement repose sur une triple promesse. D’abord, une valorisation optimale des ressources : avec un différentiel de prix favorable au cacao, l’investissement agriculture devient mathématiquement attractif. Ensuite, une réponse à l’urgence sociale : ce secteur pourrait absorber massivement la main-d’œuvre, contribuant à une réduction chômage RDC estimée à près de 70% parmi les jeunes. Enfin, une sécurité alimentaire renforcée dans un pays où 27 millions de personnes souffrent de malnutrition aiguë selon la FAO.
Néanmoins, Patrick Muyaya a tempéré cet optimisme par un impératif catégorique : “Le retour de la paix est la condition sine qua non du succès”. Cette mise en garde souligne les défis opérationnels dans des régions comme l’Ituri ou le Nord-Kivu, où l’insécurité paralyse les chaines de valeur agricoles. Les observateurs notent d’ailleurs que les cours actuels des matières premières – notamment ces prix cacao cuivre cités comme déclic – restent volatils. Une hausse soudaine du cuivre pourrait-elle remettre en cause cette stratégie ?
Pour les économistes consultés par Congo Quotidien, la démarche dépasse la simple opportunité conjoncturelle. Elle s’inscrit dans une nécessaire mutation structurelle : l’agriculture représente déjà 19,7% du PIB contre 11,8% pour l’extraction minière, selon la Banque Centrale. L’enjeu réside désormais dans la productivité et l’accès aux marchés. “Transformer le potentiel agronomique congolais – 80 millions d’hectares de terres arables – en richesse effective requiert des réformes foncières et logistiques”, analyse le professeur André Mbata de l’Université de Kinshasa.
Si ce recentrage agricole se concrétise, ses répercussions pourraient reconfigurer l’économie congolaise d’ici 2030. Une transition vers un modèle moins extractif, plus résilient aux chocs des cours mondiaux, et surtout générateur d’emplois locaux durables. Mais le chemin reste semé d’embûches : insuffisance des infrastructures, financements limités, et cette paix fragile qui déterminera si les semailles d’aujourd’hui deviendront moissons demain.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net