Dans les entrailles du Tanganyika, un paradoxe criant se dessine : Manono, territoire regorgeant de l’un des plus grands gisements de lithium au monde, voit sa population survivre dans une précarité alarmante. « Nous avons fait un constat amer des conditions sociales : une population qui vit dans une précarité totale », dénonce Jean-Pierre Lwamba d’AFREWATCH, l’Observatoire Africain des Ressources Naturelles. Comment une terre si riche peut-elle laisser ses enfants si pauvres ?
Face à ce drame annoncé, AFREWATCH a lancé le projet « Faire entendre la voix des communautés autour de Manono ». Un programme urgent, né des cicatrices laissées par l’exploitation du cobalt et du cuivre au Lualaba. « Les communautés n’étaient pas préparées. Aujourd’hui, elles subissent des problèmes environnementaux et sociaux insolubles », rappelle Lwamba. L’initiative vise à armer les populations avant l’exploitation du lithium : renforcement des capacités, structuration des communautés, maîtrise des opportunités du code minier. Une course contre la montre pour un développement durable des ressources minières en RDC.
Pourtant, l’urgence est déjà là. Une dizaine d’entreprises minières opèrent sur place, mais leur présence ressemble à un mirage pour les habitants. « Ces sociétés bénéficient de couvertures politico-administratives à tous les niveaux », accuse Dieu Merci Kabila, activiste local. La réalité est amère : pas de cahiers de charges respectés, pas de contrats sérieux pour les travailleurs locaux, des sous-traitances accordées à des expatriés ou Kinois. « Nos minerais profitent à ceux qui sont hors de Manono », lance-t-il, la voix chargée d’amertume. Le code minier ? Un chiffon de papier.
Le décor quotidien est un affront à cette richesse souterraine. Manono, cité minière historique, n’a ni eau potable ni électricité. Les batteries de la centrale photovoltaïque sont dépolarisées – ironie cruelle pour la future capitale mondiale des batteries lithium. Seuls les fantômes du passé prospèrent : les bâtisses coloniales belges de l’époque de la Geomines, devenue Zaïre Étain puis Congo Étain, témoignent silencieusement d’une époque révolue où l’exploitation rimait avec infrastructure.
Derrière cette impasse, un conflit larvé persiste autour de la Cominière (entreprise étatique) et d’AVZ, la firme australienne dont les procédures d’arbitrage traînent entre la RDC, Paris et Washington. Pendant ce temps, la population attend. Elle réclame des routes, des emplois décents, le minimum vital. L’exploitation minière en RDC reproduira-t-elle les erreurs du passé ou saura-t-elle écouter les communautés locales du Tanganyika ? Le projet d’AFREWATCH est un cri dans le désert. Reste à savoir si les oreilles des décideurs sont assez grandes pour l’entendre avant que Manono ne devienne un autre symbole de la malédiction des ressources.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
