Dans le cadre d’une descente terrain chargée de symboles, la première ministre Judith Suminwa Tuluka a marqué de son empreinte la province du Kasaï ce mardi 27 mai 2025. Entre constats alarmants et promesses solennelles, cette visite éclair révèle les fissures d’un État confronté à l’urgence infrastructurelle et sociale, tout en esquissant les contours d’une gouvernance proactive.
Le pont Loange, artère vitale reliant le Kwilu au Kasaï, sert de métaphore aux défis congolais : menacé d’effondrement, il symbolise à la fois les négligences passées et l’impératif de résilience. « Ça fait des années que ça se passe et aujourd’hui, il faut agir », a martelé Judith Suminwa devant des riverains sceptiques. Derrière l’engagement affiché de mobiliser des financements pour sa consolidation se profile un dilemme plus large : comment concilier maintenance du patrimoine existant et ambitions développementales dans un pays sous tension budgétaire ?
L’hôpital général de référence de Tshikapa et la zone de santé de Kanzala ont offert un autre visage de cette réalité contrastée. Entre pénurie de scanners et absence de spécialistes, le Premier ministre découvre un système de santé en respiration artificielle. Sa promesse de « discuter avec le ministre de la Santé » sonne-t-elle comme un aveu d’improvisation ou le prélude à une réforme structurelle ? La question de la mécanisation des salaires du personnel médical, soulevée avec insistance, touche quant à elle au nerf de la crise : peut-on bâtir une couverture santé universelle sur des fonctionnaires non payés ?
Sur le front des infrastructures, le projet Tshilejelu apparaît comme un laboratoire de la nouvelle gouvernance. Les chantiers des routes Tshikapa-Kamako et Likasi, présentés comme vitrines de la modernisation, cachent-ils une course contre la montre électorale ? Les travaux de lutte contre l’érosion au site SOCAJIC, financés en urgence après l’engloutissement d’une école, rappellent cruellement que le développement se mesure aussi à sa capacité à anticiper les catastrophes.
La visite du futur siège de l’Assemblée provinciale du Kasaï introduit une dimension politique subtile. En évoquant la rétrocession des 40% des recettes nationales prévue par l’article 175 de la Constitution, Judith Suminwa tend un piège élégant aux détracteurs de la décentralisation. Mais ce geste fédérateur suffira-t-il à apaiser les tensions nées des arbitrages budgétaires ? Car dans l’ombre de ces annonces plane l’épineuse question sécuritaire : « Nous avons perdu 1,7% de notre budget à cause de la guerre à l’Est », concède la cheffe du gouvernement, soulignant l’équation impossible entre dépenses militaires et investissements sociaux.
Cette tournée kasaienne, présentée comme un exercice de « gouvernance de proximité », dessine en creux les limites du Programme d’actions du gouvernement 2024-2028. Si la population accueille favorablement les engagements pris, sa patience face aux lenteurs administratives constituera le véritable test de crédibilité. La matérialisation des promesses sur le pont Loange et l’hôpital de Tshikapa servira de thermomètre à l’efficacité d’un exécutif tiraillé entre urgences multiples et ressources limitées.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd