Une visite gouvernementale sous le signe des priorités provinciales
La Première ministre Judith Suminwa a choisi Tshikapa comme théâtre d’un dialogue politique révélateur. Lors de sa première sortie officielle dans le Kasaï, la cheffe du gouvernement s’est heurtée aux revendications pressantes du gouverneur Crispin Mukendi, dévoilant les fractures persistantes entre centre et périphérie.
Le cri du cœur d’une province oubliée
« Le développement du Kasaï passe nécessairement par le désenclavement », a martelé Crispin Mukendi, transformant son discours d’accueil en véritable réquisitoire. Les territoires de Dekese, Luebo, Ilebo et Mweka – véritables angles morts de la cartographie infrastructurelle – réclament urgemment leur insertion dans le réseau national. Une demande qui sonne comme un aveu : six décennies après l’indépendance, certaines régions congolaises restent prisonnières de leur isolement.
L’université de Tshikapa : mirage ou projet réaliste ?
Second front ouvert par le gouvernorat : la bataille pour l’éducation. L’université officielle de Tshikapa cristallise les espoirs d’une jeunesse en quête d’horizons. « Former localement une élite capable de porter notre développement », insiste Mukendi. Derrière cette ambition légitime pointe une interrogation sous-jacente : les plans de Kinshasa intègrent-ils vraiment cette nécessité de décentralisation académique ?
Les promesses de Kinshasa à l’épreuve du terrain
Judith Suminwa a opposé une réponse mesurée à ces interpellations. Évoquant « l’engagement du Président pour le développement équitable », elle a surtout matérialisé cet effort par une annonce concrète : le rétablissement imminent de l’eau potable à Kele par la REGIDESO après six années de disette hydrique. Un soulagement pour les habitants, mais qui soulève une question plus vaste : pourquoi avoir laissé persister si longtemps cette crise ?
Itinéraire d’une Première ministre en territoire stratégique
Le déplacement ministériel ne se limite pas aux discours protocolaires. La visite du site énergétique de Lungudi et l’inspection du pont Loange – artère vitale reliant Kasaï et Bandundu – révèlent les priorités cachées de cette tournée. Ces infrastructures, symboles des défis énergétiques et logistiques du pays, pourraient-elles devenir les pierres angulaires d’un nouveau plan de développement régional ?
Le difficile équilibre des priorités nationales
Entre les routes non asphaltées qui strangulent l’économie locale et les amphithéâtres universitaires qui manquent cruellement, le Kasaï dresse un inventaire accablant des retards à combler. La réponse de Kinshasa, mêlant promesses structurelles et solutions d’urgence, illustre la quadrature du cercle gouvernemental : comment répartir équitablement des ressources toujours insuffisantes ?
L’heure des comptes aura-t-elle lieu ?
Alors que Judith Suminwa s’apprête à regagner la capitale, son bilan kasaïen reste suspendu à une équation complexe. Les engagements pris résisteront-ils à l’épreuve des calendriers budgétaires et des réalités administratives ? Le chantier du désenclavement, estimé à plusieurs centaines de millions de dollars, constituera un test décisif pour la crédibilité du pouvoir central face aux attentes provinciales.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd