La zone de santé de Kikongo, dans le territoire de Bagata (Kwilu), traverse une crise humanitaire silencieuse. Des milliers de déplacés fuyant les violences de la milice Mobondo à Kwamouth y convergent, tandis que les femmes enceintes se heurtent à un système de santé exsangue. Comment une région peut-elle garantir des soins vitaux sans médicaments, ni lits d’accouchement ?
Le Dr Didier Menanga, médecin chef de zone, alerte sur l’effondrement de la gratuité de la maternité – promesse gouvernementale pourtant cruciale en RDC. « Sans appui de l’État, nos stocks de médicaments s’épuisent. Les parturientes doivent parfois partager un matelas posé à même le sol », dénonce-t-il. Une situation qui rappelle l’urgence d’investir dans les structures sanitaires rurales.
Les défis s’accumulent : 60% des centres de santé de Kikongo fonctionnent sans kits obstétricaux de base. Les antibiotiques et antipaludéens manquent à l’appel, exposant mères et nouveau-nés à des risques mortels. « Quand une hémorragie post-partum survient, chaque minute compte. Ici, nous improvisons », confie une sage-femme sous couvert d’anonymat.
La crise s’aggrave avec l’afflux de 15 000 déplacés depuis Kwamouth, selon les estimations locales. Paludisme, infections respiratoires et malnutrition frappent ces populations vulnérables. « Nous distribuons des moustiquaires, mais sans antipaludéens, c’est un combat perdu d’avance », regrette un infirmier. La milice Mobondo, responsable de ce déplacement massif, continue de semer la terreur dans le Mai-Ndombe voisin.
Face à cette double urgence – maternité à risque et crise humanitaire –, les professionnels de santé réclament une réponse coordonnée. Le Dr Menanga interpelle : « Le gouvernement doit activer le fonds d’urgence sanitaire pour le Kwilu. La gratuité des accouchements n’est pas une option, c’est un droit constitutionnel ! ». Des appels restés sans réponse malgré les alertes répétées.
Cette situation met en lumière un paradoxe : comment la RDC peut-elle ambitionner une couverture santé universelle tout en laissant ses zones rurales à l’abandon ? Les experts suggèrent des solutions immédiates :
- Réapprovisionnement prioritaire en intrants médicaux
- Déploiement de lits d’accouchement mobiles
- Cellule crise pour les déplacés de Kwamouth
En attendant, les femmes de Kikongo accouchent dans des conditions comparables à un champ de bataille médical. Quant aux déplacés, leur survie dépend souvent de plantes traditionnelles – retour inquiétant à la médecine de fortune. Une réalité qui interroge : la gratuité des soins promue par Kinshasa atteindra-t-elle un jour les zones oubliées du Kwilu ?
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net