Dans un rebondissement judiciaire à haut risque politique, le ministre d’État de la Justice et Garde des Sèceaux, Constant Mutamba, a publiquement refusé de comparaître devant la Cour de cassation de la RDC. Cette décision, annoncée ce lundi 26 mai au Palais de justice de Kinshasa devant une assistance nombreuse, intervient dans un contexte de tensions inédites entre le ministère et l’institution judiciaire.
Le magistrat a contesté avec virulence la légitimité de la procédure engagée par le procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde. « Celui qui fait l’objet d’enquêtes ne peut légalement initier une action contre le ministre de la Justice », a-t-il martelé, qualifiant l’initiative de « faute disciplinaire grave ». Une position qui soulève des questions cruciales sur l’équilibre des pouvoirs en République démocratique du Congo.
Au cœur du litige : un présumé détournement de 19 millions de dollars destinés à la construction d’une prison à Kisangani. Le procureur Mvonde avait sollicité la levée de l’immunité parlementaire du ministre pour l’entendre dans cette affaire. Mais Constant Mutamba oppose une défense en règle : « Le marché de gré à gré bénéficie d’une autorisation spéciale conforme à la loi », affirme-t-il, invoquant le principe de validation tacite après dix jours de silence administratif.
La réplique du ministre prend des accents personnels lorsqu’il accuse son poursuivant d’appartenir à un « groupe de mafieux » lié à l’ancien régime Kabila. « Ils voulaient m’humilier pour ternir ma réputation », lance-t-il, avant de défier : « Je suis prêt pour la prison, mais qu’ils justifient d’abord leurs propres biens ! » Un duel verbal qui risque de compliquer le travail de la commission spéciale mise en place par l’Assemblée nationale pour examiner les accusations croisées.
Le président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, a pour sa part assuré qu’« aucun obstacle ne serait opposé à la justice ». Cette déclaration prend tout son sens alors que la commission parlementaire doit auditionner les deux parties. Reste à savoir si cette instance parviendra à démêler l’écheveau d’accusations qui mêle enjeux judiciaires, politiques et personnels.
Les prochaines semaines s’annoncent décisives. La crédibilité des institutions congolaises se jouera dans leur capacité à trancher ce dossier sans précédent, où un ministre de la Justice défie ouvertement la plus haute juridiction du pays. Une situation qui interroge sur l’effectivité de la lutte anticorruption en RDC.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net