La Première Ministre Judith Suminwa Tuluka entame une étape cruciale de sa tournée dans le Grand Kasaï, avec une arrivée attendue à Tshikapa ce lundi 26 mai. Cette visite, placée sous le signe de l’urgence et du symbole, intervient dans une région où les attentes populaires se mêlent aux défis structurels. Entre promesses gouvernementales et réalités territoriales, la cheffe du Gouvernement devra naviguer sur un terrain miné par les crises et les espoirs déçus.
À Tshikapa, l’agenda de la Première Ministre est un condensé des enjeux locaux : meeting populaire, inspections techniques et dialogues institutionnels. Mais c’est la visite du pont Loange, infrastructure vitale menacée d’effondrement, qui cristallise les regards. Ce pont, artère économique reliant le Kasaï au Kwilu, incarne le paradoxe d’un État à la fois omniprésent et absent. « La Première Ministre a pris la décision de se rendre personnellement sur place », souligne son cabinet, dans une formule qui sonne comme un aveu : l’urgence est telle que le pouvoir central doit descendre de Kinshasa pour constater l’étendue des dégâts.
Les récentes inondations de la rivière Tobi ont transformé cette infrastructure en métaphore des fractures congolaises. L’alerte lancée par l’Administrateur du territoire de Kamonia révèle une réalité implacable : le désenclavement régional, mantra des discours officiels, se heurte à l’inertie bureaucratique. Judith Suminwa parviendra-t-elle à accélérer les réponses, ou cette inspection ne sera-t-elle qu’un énième épisode de communication politique ? La question plane, alors que les habitants scrutent chaque geste de la délégation gouvernementale.
Au-delà du pont Loange, le programme de la Première Ministre inclut l’inspection des projets Tshilejelu et la visite du ravin Sokajik, deux dossiers emblématiques des défis socio-environnementaux de la région. Ces étapes ne sont pas anodines : elles visent à incarner une gouvernance de proximité, dans un pays où la centralisation reste la norme. « Renforcer la coordination entre Kinshasa et les entités décentralisées », répètent les communiqués officiels. Mais derrière cette rhétorique, se cachent des rapports de force complexes entre le pouvoir central et des autorités locales souvent marginalisées.
Le meeting populaire prévu à Tshikapa constitue un autre test pour Judith Suminwa. Face à une population meurtrie par l’inflation et l’insécurité, sa capacité à traduire les doléances en actions tangibles sera scrutée. La Première Ministre joue ici son crédit politique : chaque promesse non tenue risquerait d’alimenter le cynisme ambiant. Son recours systématique au dialogue direct est-il une stratégie habile ou un exercice de façade ? Les prochaines semaines apporteront des éléments de réponse.
Cette tournée s’inscrit dans un contexte national volatile, où la pression sur le Gouvernement s’accentue. En inspectant le chantier de l’Assemblée provinciale, Judith Suminwa envoie un signal fort sur l’importance des institutions locales. Mais là encore, le diable se niche dans les détails : les retards chroniques dans les travaux publics minent la crédibilité des engagements étatiques.
La visite à Tshikapa pourrait marquer un tournant dans le mandat de la Première Ministre. Si les annonces concrètes suivent, elle renforcera l’image d’un exécutif à l’écoute. Dans le cas contraire, les critiques dénonceront une opération de séduction éphémère. Entre urgence technique et calcul politique, Judith Suminwa marche sur une corde raide. Son succès dépendra moins des discours prononcés que des actes posés dans les semaines à venir.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd