Alors que les provinces de l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) continuent de subir les affres d’une crise sécuritaire multiforme, l’Union Européenne (UE) dépêche une délégation parlementaire à Kinshasa. Du 28 au 30 mai, ces émissaires européens tenteront de saisir les contours d’une tragédie humaine amplifiée par l’agression rwandaise via le mouvement rebelle M23. Une mission présentée comme un geste de solidarité, mais qui interroge sur la portée réelle des engagements internationaux en faveur de l’intégrité territoriale congolaise.
« L’objectif est de rappeler le soutien fort de l’UE au respect de l’intégrité territoriale de la RDC », souligne le communiqué européen. Des mots qui résonnent comme un leitmotiv face à la réalité d’un conflit où Kigali, accusé de soutenir le M23, défie ouvertement les frontières congolaises. Mais au-delà des déclarations d’intention, que pèsent ces assurances face à la militarisation croissante du Nord-Kivu ? La délégation, conduite par Hilde Vautmans, promet d’« esquisser des pistes de réflexion » sur le rôle de l’UE. Un exercice de diplomatie parlementaire qui devra transcender les habituelles incantations pour proposer des mécanismes contraignants.
En mars 2024, l’UE a franchi un pas symbolique en sanctionnant des officiers rwandais et des cadres du M23. Parmi eux, Ruki Karusisi, commandant des forces spéciales rwandaises, ou encore Bertrand Bisimwa, président du mouvement rebelle. Ces mesures ciblées, bien que tardives, marquent-elles un tournant dans la stratégie européenne ? Rien n’est moins sûr. Si les sanctions visent à « assécher les réseaux de soutien » au M23, elles peinent à masquer l’absence de consensus sur une pression plus forte contre Kigali. Le Rwanda, habile dans l’art de la realpolitik, continue de nier toute implication malgré les preuves accablantes des rapports d’experts onusiens.
La visite des parlementaires européens intervient dans un contexte où la RDC, épuisée par trois décennies de conflits, attend des actes concrets. Rencontrer gouvernement, opposition et société civile est une démarche louable, mais suffira-t-elle à apaiser les frustrations d’une population confrontée quotidiennement aux exactions ? Le défi pour l’UE réside dans sa capacité à transformer ses déclarations en leviers d’action. Faut-il, par exemple, conditionner l’aide au développement au strict respect des accords de paix ? Ou renforcer les missions de surveillance aux frontières ?
Certains observateurs pointent du doigt le paradoxe d’une Europe prompte à sanctionner mais lente à agir sur les causes profondes du conflit : exploitation illégale des ressources, trafic d’armes, et impunité des acteurs régionaux. La délégation devra aussi aborder la question épineuse du rôle des pays voisins dans la stabilisation de la région. Car sans pression régionale concertée, les sanctions resteront des épées de papier.
Reste que cette initiative européenne, si elle ne résout pas la crise, a le mérite de maintenir la RDC sous les projecteurs internationaux. Un enjeu crucial alors que le pays s’enfonce dans une crise humanitaire sans précédent, avec près de 6,9 millions de déplacés selon le HCR. L’UE parviendra-t-elle à concilier realpolitik et défense des principes souverains ? La réponse se jouera peut-être dans les prochains mois, à l’aune de l’évolution des sanctions et de l’efficacité des mécanismes de suivi.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd