La province du Sankuru traverse une tempête politique d’une rare intensité. À peine un an après son accession au pouvoir, le gouverneur Victor Kitenge Kanyama se retrouve acculé par une motion de défiance déposée par seize députés provinciaux. Ce coup de force institutionnel, intervenu le 23 mai 2025, met en lumière les fractures d’une gouvernance contestée et une crise sécuritaire qui mine la légitimité du pouvoir provincial.
Au cœur de la tourmente, l’insécurité persistante dans la région de Kole agit comme un révélateur des carences du leadership. Les députés fustigent l’incapacité du gouverneur à endiguer les violences des milices armées et les actes de banditisme qui paralysent le développement économique. « Comment justifier l’absence de forces de l’ordre dans des zones où les populations vivent sous la menace permanente ? », interroge un élu provincial sous couvert d’anonymat. Cette rhétorique, teintée d’urgence, souligne un malaise profond : la gouvernance de Kitenge Kanyama est perçue comme un « navire sans boussole » dans un océan de défis.
Mais le dossier sécuritaire n’est qu’une facette de la crise. La motion de défiance dénonce également une gestion politique qualifiée d’« exclusionniste ». Les villes de Lusambo et Lumumba Ville, pourtant cruciales dans l’échiquier provincial, seraient tenues à l’écart des décisions stratégiques. « Le gouverneur gouverne en cercle fermé, ignorant les voix dissonantes », accuse un signataire de la motion. Cette centralisation du pouvoir alimente une crise institutionnelle dont les ramifications pourraient affaiblir durablement la cohésion régionale.
Dans l’ombre de cette fronde, une seconde motion prend pour cible le vice-gouverneur Martin Issipa. Neuf députés lui reprochent des « dérives autoritaires », notamment le non-dépôt de sa déclaration de patrimoine et un flou artistique entre prérogatives provinciales et nationales. « Un mélange des genres qui frôle l’illégalité », martèle un opposant, soulignant des interrogations sur la transparence de l’exécutif. Ces accusations, si elles sont validées par l’assemblée, pourraient précipiter la chute de l’équipe dirigeante.
Que reste-t-il alors de la crédibilité de Kitenge Kanyama ? L’homme qui promettait de « moderniser le Sankuru » lors de sa campagne en 2024 semble aujourd’hui piégé par ses propres lacunes. Les analystes politiques évoquent une « fuite en avant stratégique », marquée par des annonces médiatiques sans réels impacts sur le terrain. « Un leadership érodé par l’inaction et les calculs partisans », résume un expert de Kinshasa, sous couvert de confidentialité.
L’enjeu dépasse désormais la simple survie politique du gouverneur. La tenue prochaine du débat sur les motions à l’assemblée provinciale s’annonce comme un test décisif. Les alliances se recomposent dans un jeu d’échecs où chaque député devient un pivot. Si la défiance est votée, le Sankuru entrerait dans une période d’instabilité inédite, avec un possible gouvernement intérimaire à gérer une double crise : sécuritaire et de légitimité.
Entre-temps, la population observe, impuissante, ces joutes politiques. À Kole, un habitant résume amèrement : « Ils se battent pour le pouvoir, mais qui se bat pour notre sécurité ? » Une question qui, en l’absence de réponses concrètes, pourrait bien hanter les prochains mois de la vie politique sankurienne.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd