Dans un contexte géopolitique volatile, la rencontre entre Félix Tshisekedi et Évariste Ndayishimiye à Kinshasa ce 25 mai 2025 s’apparente à un ballet diplomatique minutieux. Les deux chefs d’État, sous le prétexte protocolaire de « consultations pré-sommet », ont réexaminé l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, ce pacte régional devenu symbole des espoirs déçus dans les Grands Lacs. Une décennie après sa signature, le texte peine toujours à incarner plus qu’une déclaration d’intentions.
Le timing de ces échos n’est pas anodin : à trois jours du 12ème sommet du MRS à Kampala, où le Burundi cédera sa présidence tournante, l’urgence de repolitiser ce mécanisme s’impose. « Les relations excellentes » évoquées par la présidence congolaise masquent-elles une course contre la montre pour éviter un nouvel enterrement de première classe ? La litanie des sommets régionaux, souvent réduits à des tribunes pour déclarations solennelles, interroge sur leur capacité réelle à infléchir les dynamiques conflictuelles.
L’Accord-cadre d’Addis-Abeba, parrainé en 2013 par l’ONU, l’UA et la SADC, portait l’ambition d’une architecture sécuritaire collective. Pourtant, l’Est congolais continue de s’enliser dans une conflictualité chronique. Le Prix Nobel Denis Mukwege dénonce avec amertume cette « schizophrénie institutionnelle » : « Comment expliquer que les mêmes États signataires soient simultanément accusés de parrainer des groupes armés ? » Sa proposition de mécanismes contraignants, incluant des sanctions ciblées, reste lettre morte.
La présidence burundaise insiste sur la dimension technique de cette visite, évoquant une simple « passation préparatoire ». Une rhétorique qui sonne creux face à l’enjeu stratégique : le MRS, conçu comme bras opérationnel de l’accord, souffre d’un déficit chronique de leadership. La relève ougandaise constituera-t-elle un tournant ou une simple rotation protocolaire ? Les récentes tensions entre Kampala et Kinshasa sur le dossier des ADF n’augurent rien de bon.
Dans les coulisses diplomatiques, on murmure que cette réunion bilatérale cache mal les fractures régionales. L’absence de déclaration commune post-rencontre en dit long sur les désaccords persistants. Le président Ndayishimiye, en habile équilibriste, tenterait-il de préserver les apparences avant de transmettre ce dossier épineux à son homologue ougandais ?
Avec seulement 37% des engagements initialement prévus mis en œuvre selon un récent rapport de la CIRGL, l’Accord-cadre ressemble à un navire sans gouvernail. La réévaluation annoncée par Kinshasa et Bujumbura se limitera-t-elle à un toilettage sémantique ? Les observateurs rappellent que quatre institutions internationales co-signataires peinent toujours à harmoniser leurs agendas.
Alors que le Sommet de Kampala 2025 se profile, la question des financements régionaux refait surface. Le MRS fonctionne-t-il en vase clos, coupé des réalités socio-économiques qui alimentent les conflits ? Le silence assourdissant sur les flux illicites de minerais, pourtant au cœur de l’instabilité régionale, interroge la volonté réelle des signataires.
Dans ce paysage contrasté, la société civile des Grands Lacs lance un ultimatum : « Assez de sommets-spectacles, nous voulons des actes ! ». Le prochain test sera l’adoption – ou non – d’un mécanisme contraignant de suivi à Kampala. Sans pression réelle sur les États récalcitrants, l’Accord-cadre risque de rejoindre le cimetière des bonnes intentions régionales.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd