Dans un coup de théâtre révélateur des fractures politiques congolaises, le secrétaire général de l’UDPS, Augustin Kabuya, a jeté un pavé dans la mare en qualifiant l’ancien président Joseph Kabila de « sujet rwandais ». Cette déclaration incendiaire, prononcée lors d’une conférence à Kinshasa, ouvre une nouvelle brèche dans le fragile échiquier politique de la RDC, déjà miné par des tensions historiques entre les camps Tshisekedi et Kabila.
« Laissez les Congolais traiter leurs problèmes. Lui, c’est un sujet rwandais », a asséné Kabuya, dépeignant l’ancien chef de l’État comme un agent d’influence étranger. Cette diatribe s’inscrit dans un contexte où les accusations de collusion avec le Rwanda – pays perçu comme soutien présumé du M23 – font office de munitions politiques. Le leader udepiste va plus loin en révélant une stratégie de séduction calculée : « Nous avons mangé avec lui à GLM et à Kingakati. Ce n’était pas par amour ».
Ces révélations interviennent en réponse au « pacte citoyen » proposé par Kabila le 23 mai dernier, initiative perçue comme une tentative de retour sur la scène politique nationale. En exhibant des archives des violences post-électorales de 2016-2018, Kabuya retourne le couteau dans la plaie : « Nous avons des familles des gens tués dans l’incendie de notre siège à cause de Kabila ». Une manière de rappeler que la mémoire des victimes pèse lourd dans la balance de la légitimité politique.
L’accusation la plus lourde concerne l’implication présumée de Kabila dans le recrutement de combattants du M23. « Il a recruté des combattants du M23 pour venir nous tuer pendant nos manifestations », affirme le secrétaire général de l’UDPS, évoquant une « sous-traitance » de la violence politique. Ces allégations, si elles restent à étayer, frappent par leur timing : elles surviennent alors que la région du Nord-Kivu connaît une recrudescence des activités de ce groupe armé.
La rhétorique de Kabuya dévoile les ressorts d’une guerre narrative où chaque camp réécrit l’histoire à son avantage. En qualifiant Félix Tshisekedi de « génie politicien », il esquisse une dialectique manichéenne opposant la nouvelle garde udepiste à l’ancien régime. Mais cette stratégie du clash comporte des risques : ne risque-t-elle pas d’envenimer des tensions déjà explosives à l’approche des échéances électorales ?
Les implications de cette crise dépassent les simples rivalités personnelles. Elle met en lumière les failles d’un système politique où les alliances se font et se défont au gré des intérêts immédiats. La référence récurrente au Rwanda dans les accusations mutuelles révèle surtout l’incapacité des élites congolaises à se départir d’un nationalisme de convenance, instrumentalisant les peurs sécuritaires à des fins de positioning intérieur.
Alors que Kinshasa bruisse de rumeurs sur une possible recomposition des forces politiques, un questionnement persiste : ces joutes verbales servent-elles réellement les intérêts d’une population confrontée à l’insécurité et à la précarité ? La surenchère accusatoire pourrait bien se révéler un cadeau empoisonné pour ses instigateurs, à mesure que l’opinion publique congolaise exige des actes concrets plutôt que des règlements de comptes médiatiques.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
