Le gouvernement de la République Démocratique du Congo a franchi une étape décisive dans la reconnaissance des victimes de violences sexuelles et de crimes graves en adoptant, lors de la 44e réunion du Conseil des ministres, la politique nationale de justice transitionnelle. Portée par la Ministre des Droits Humains Chantal Chambu Mwavita, cette feuille de route ambitieuse s’articule autour de six piliers fondamentaux : vérité, justice, réparation, garanties de non-répétition, questions transversales et réconciliation. Une approche holistique qui rompt avec les mécanismes antérieurs, selon les déclarations officielles.
« La particularité de cette politique réside dans son ancrage territorial », a souligné la Ministre, faisant référence aux consultations nationales menées dans les provinces pour élaborer un cadre adapté aux réalités des conflits et post-conflits. Une décentralisation de la justice transitionnelle est ainsi préconisée, afin de répondre aux défis posés par l’immensité du territoire et la coexistence de crises multiples.
Quatre textes législatifs et réglementaires accompagnent cette politique, dessinant un arsenal juridique sans précédent. Parmi eux, le projet de loi organique modifiant les compétences des juridictions pour intégrer des mécanismes transitionnels spécifiques, et celui établissant les principes fondamentaux de reconnaissance des droits des victimes. Ces avancées législatives entendent combler les lacunes dénoncées par les défenseurs des droits humains, notamment en matière de lutte contre l’impunité.
La mise en œuvre opérationnelle s’appuiera également sur le décret d’application de la loi de 2022 relative à la réparation des victimes, ainsi que sur un arrêté ministériel encadrant l’établissement d’une liste consolidée des survivantes. Ces outils visent à concrétiser les promesses du FONAREV, le Fonds National de Réparation dont l’effectivité reste scrutée à la loupe par la société civile.
Rappelons que le FONAREV, créé par décret en décembre 2022 sous l’impulsion de la Première Dame Denise Nyakeru Tshisekedi, symbolise l’engagement affiché des autorités en faveur d’une réparation matérielle et symbolique. Mais comment garantir son accessibilité réelle aux milliers de victimes éparpillées dans les zones reculées ? La question demeure centrale alors que le pays institutionnalise depuis peu la journée du 2 août dédiée à la mémoire des victimes du « GENOCOST ».
Cette avancée intervient dans un contexte où les critiques fusent sur les lenteurs administratives. Le Dr Denis Mukwege, Nobel de la Paix, déplorait encore récemment « l’écart entre les textes et leur application sur le terrain ». Les nouvelles mesures sauront-elles éviter cet écueil ? La Ministre Chambu Mwavita assure que « l’approche décentralisée permettra une prise en charge proximale des dossiers », tout en insistant sur la synergie avec les acteurs locaux.
Au-delà des aspects judiciaires, cette politique marque un tournant dans la gestion des séquelles des conflits. En intégrant explicitement les violences sexuelles comme crime contre la paix – souvent instrumentalisées comme arme de guerre –, la RDC renforce son cadre normatif conformément aux standards internationaux. Reste à observer comment ces dispositions influenceront les dynamiques de réconciliation dans des régions encore minées par les tensions communautaires.
Les prochaines étapes concerneront l’adoption définitive des textes par le Parlement et leur promulgation. Un processus qui déterminera la capacité du pays à transformer ces engagements politiques en justice tangible pour des millions de victimes. À l’heure où les espoirs de paix se cristallisent autour de ces réformes, tous les regards convergent vers la concrétisation du triptyque vérité-réparation-réconciliation.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd