Dans les rues de Miabi, province du Kasaï-Oriental, un silence lourd pèse sur les foyers des agents de la SACIM. Quatorze mois sans salaire. Quatorze mois de survie improvisée, entre dettes accumulées et espoirs déçus. « Mon dernier salaire ? Je l’ai touché en mars 2023. Depuis, je vis de la solidarité familiale », confie un employé sous couvert d’anonymat, la voix nouée par l’émotion.
Le Cadre de concertation de la société civile de Miabi vient de lancer un cri d’alarme qui résonne bien au-delà de la région. La situation des travailleurs de la Société Anhui-Congo d’Investissement Minier (SACIM) cristallise toutes les tensions d’un système minier congolais à la croisée des chemins. « Quatorze mois sans salaire, c’est une violation flagrante des droits fondamentaux », dénonce Placide Lufuluabo, porte-parole de la structure citoyenne.
Comment expliquer qu’une entreprise minière autorisée depuis juin 2024 à vendre librement ses diamants pendant trois mois ne parvienne pas à honorer ses engagements sociaux ? La question agite autant les cercles politiques que les foyers affectés. L’abrogation récente de l’arrêté ministériel sur la commercialisation du diamant – mesure saluée par la société civile – aurait dû marquer un tournant. Pourtant, sur le terrain, les salaires restent lettre morte.
« Cette libéralisation temporaire doit servir d’abord à sauver des vies humaines, pas seulement des comptes bancaires », insiste M. Lufuluabo. Un plaidoyer qui interroge la priorité donnée aux indicateurs économiques sur la dignité humaine. La SACIM, bénéficiaire de cette mesure exceptionnelle, se retrouve sous pression pour démontrer sa bonne foi sociale.
Derrière les chiffres se cachent des drames intimes : enfants retirés de l’école, soins médicaux reportés, familles éclatées. « Je dois deux années scolaires à mes trois enfants. Le proviseur menace de les renvoyer », raconte une employée administrative, les yeux rivés au sol. Ces témoignages dessinent les contours d’une crise sociale qui dépasse largement le cadre professionnel.
La société civile locale exige désormais un suivi rigoureux de l’abrogation de l’arrêté diamantifère. « Le ministère des Mines doit garantir l’effectivité de cette décision présidentielle », martèle le porte-parole du Cadre de concertation. Un appel qui résonne comme un test pour les autorités : jusqu’où iront-elles pour protéger les droits des travailleurs congolais ?
Cette crise met en lumière les contradictions d’un secteur minier vital pour l’économie nationale. Alors que la RDC cherche à maximiser les retombées de ses richesses naturelles, le cas SACIM révèle les failles d’une gestion parfois déconnectée des réalités humaines. « Aucune relance économique ne sera durable sans justice sociale », prévient un analyste économique de Mbuji-Mayi.
En toile de fond se profile un enjeu crucial : la refonte du contrat social entre entreprises extractives et populations locales. Le Kasaï-Oriental, riche en ressources mais pauvre en infrastructures sociales, incarne ce paradoxe congolais. La balle est désormais dans le camp des décideurs : sauront-ils transformer cette crise en opportunité pour repenser la gouvernance minière ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd