Dans un contexte marqué par des interrogations persistantes sur la protection sociale des agents publics, le gouvernement congolais a adopté ce mercredi un projet de loi modificatif portant sur le régime spécial de sécurité sociale. Pilotée par Jean-Pierre Lihau, Vice-Premier Ministre chargé de la Fonction Publique, cette réforme ambitionne de combler « une lacune importante » dans le système actuel, selon les termes officiels. Mais derrière les déclarations d’intention se cachent des enjeux politiques et techniques qui méritent décryptage.
Une réponse à une exclusion systémique
La loi n°22/031 du 15 juillet 2022, censée protéger les agents publics, avait laissé dans l’ombre une catégorie stratégique : les mandataires politiques. Gouverneurs provinciaux, membres du gouvernement central ou responsables des entités décentralisées – tous évoluaient jusqu’ici dans un vide juridique socialement risqué. « Comment expliquer que ceux qui dirigent le pays soient exclus de sa protection sociale ? », interroge un expert sous couvert d’anonymat. Une contradiction que le projet de loi entend résoudre via un mécanisme inédit de capitalisation individuelle.
« Ce régime présente l’avantage d’être cumulable avec tous les autres dispositifs », a souligné Jean-Pierre Lihau lors du Conseil des Ministres, insistant sur l’adaptabilité du modèle aux « fonctions éphémères » du paysage politique congolais.
Les limites d’un système hybride
Le choix de la capitalisation plutôt que de la répartition traditionnelle suscite néanmoins des réserves. Si ce modèle permet de contourner l’exigence des 15 années de cotisation – inatteignable pour des mandats souvent courts –, il reporte l’essentiel de la contribution sur les agents eux-mêmes. Une approche qui rappelle étrangement les régimes privés de pension, loin des promesses d’un État providence clairement affirmées dans la Constitution.
Les concernés devront ainsi épargner mensuellement 10% de leurs revenus selon des modalités encore floues. « Qui garantira la transparence de ces fonds ? », s’inquiète un député provincial contacté par nos soins. La question du contrôle de l’organisme gestioneur – non précisé dans le texte – reste entière, alimentant les craintes de détournements.
Un timing politique à double tranchant
L’adoption de ce projet intervient dans un climat électoral tendu, alors que plusieurs hauts responsables approchent de la fin de leur mandat. Simple coïncidence ? Pour certains observateurs, cette réforme pourrait servir d’« assurance politique » pour des dirigeants en quête de légitimité. Reste à savoir si les mécanismes prévus résisteront à l’épreuve des alternances – réelles ou supposées – qui secouent régulièrement les institutions congolaises.
La balle est désormais dans le camp du Parlement, où le texte sera examiné dans les prochaines semaines. Gageons que les débats permettront d’éclaircir les zones d’ombre persistantes, notamment sur la portée réelle de cette « protection sociale adaptée ». Car comme le rappelle amèrement un fonctionnaire rencontré à Kinshasa : « En RDC, les lois sociales excellent souvent dans l’art de promettre ce qu’elles ne peuvent donner ».
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd