« Je n’ai plus de courant depuis trois jours. Mon stock de poissons pourrisse, mes enfants étudient à la lampe torche… », témoigne Jean-Baptiste, commerçant au marché central de Kalemie. Comme des milliers d’habitants du Tanganyika, il subit le blackout qui paralyse cette province de la RDC. Un silence électrique pesant, symptôme d’une crise énergétique chronique.
La Société nationale d’électricité (SNEL) pointe une panne technique majeure à la centrale hydroélectrique de Bendera. Marcel Sagali, responsable local de la production, explique : « La vidange du lac de retenue du barrage exige des moyens humains et financiers exceptionnels ». Un chantier estimé à 8 000 USD – somme colossale dans une région où 72% de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Face à l’urgence, la SNEL promet d’alimenter « certains points stratégiques » via un groupe électrogène. Une solution temporaire qui soulève des questions : hôpitaux privés de réfrigérateurs vaccinaux, entreprises locales au ralenti, écoles plongées dans l’obscurité… Jusqu’où peut-on improviser l’accès à l’électricité, droit fondamental ?
Cette panne électrique à Kalemie n’est pas un incident isolé. En 2022, le barrage de Bendera avait déjà connu une avarie similaire, selon un rapport de la Régie d’assainissement communal. Une répétition inquiétante qui interroge la maintenance des infrastructures énergétiques nationales. « Chaque année c’est la même histoire, déplore Alphonsine, mère de famille. L’État investit dans des grands projets, mais notre courant quotidien reste un luxe ».
Derrière les chiffres techniques se cache un drame humain. Les ménages dépensent jusqu’à 15% de leur budget en piles et lampes de poche. Les cybercafés – vitrine numérique de la région – ferment leurs portes. Même la sécurité publique est en jeu : les rues non éclairées deviennent des coupe-gorge à la nuit tombée.
La crise actuelle révèle l’urgence d’une politique énergétique décentralisée. Alors que la RDC mise sur le grand Inga pour électrifier l’Afrique, ses propres citoyens trébuchent dans l’obscurité. Combien de Kalemie faudra-t-il voir sombrer dans le noir avant que l’accès à l’électricité ne devienne une priorité nationale ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
