Une alliance sacrée pour la paix ?
À Kinshasa, la rencontre entre Félix Tshisekedi et Monseigneur Mitja Leskovar, Nonce apostolique en RDC, a insufflé un nouvel élan à l’initiative paix RDC portée par les évêques catholiques et protestants. Dans l’enceinte feutrée de la Cité de l’Union africaine, les deux hommes ont passé au crible cette stratégie interconfessionnelle présentée comme un remède à la crise des Grands Lacs. Mais derrière les déclarations de bonne volonté, persiste une question lancinante : cette médiation religieuse peut-elle réellement désamorcer des conflits minant la région depuis trois décennies ?
Les limites du dialogue politico-religieux
Monseigneur Leskovar n’a pas mâché ses mots en évoquant « l’urgence » d’une paix durable. Son plaidoyer pour une implication accrue des Congolais eux-mêmes sonne comme un aveu implicite : les solutions externes ont jusqu’ici échoué. Le représentant du Vatican a pourtant omis de préciser comment concilier les intérêts divergents des parties prenantes. La rencontre Tshisekedi Nonce apostolique a surtout permis d’exhiber une unité de façade, le chef de l’État congolais se contentant d’« encourager » une initiative dont il ne contrôle pas les ramifications.
Une diplomatie ecclésiastique à géométrie variable
Les récentes pérégrinations des évêques – du Capitule romain aux capitales occidentales – révèlent une stratégie à double détente. En intégrant dans leur dialogue interreligieux Congo des opposants locaux et des chefs d’État régionaux, les religieux tentent un pari risqué : devenir des médiateurs incontournables sur un échiquier politique saturé d’acteurs concurrents. Le cardinal Ambongo et le révérend Bokonduoa Bolikabe jouent désormais aux équilibristes entre pouvoir civil et mandat divin.
Le syndrome de l’éternel recommencement
Si le Saint-Siège salue la participation « remarquée » de Tshisekedi aux obsèques du Pape François, cette courtoisie protocolaire masque mal les tensions latentes. Le message de gratitude de Léon XIV ressemble à un viatique moral plus qu’à un soutien opérationnel. Sur le terrain, les groupes armés continuent de défier l’autorité de l’État, réduisant à néant les effets d’annonce. La démarche des évêques catholiques protestants parviendra-t-elle à éviter l’écueil des initiatives précédentes, étouffées dans l’œuf par les réalités géopolitiques ?
L’impossible équation sécuritaire
Alors que les religieux prônent un « bien-vivre ensemble » utopique, les provinces de l’Est sombrent chaque jour davantage dans la violence. Leur projet louable bute sur un paradoxe insoluble : comment construire la paix sans désarmer les milices ? Le gouvernement congolais, empêtré dans des alliances contre nature avec certains groupes, semble jouer double jeu. Cette ambiguïté mortifère pourrait réduire à portion congrue l’impact du dialogue interreligieux Congo.
Quelle suite pour le processus de paix ?
La balle est désormais dans le camp de la communauté internationale. Mais comme le souligne avec amertume un diplomate européen sous couvert d’anonymat : « Les Grands Lacs sont devenus un cimetière des initiatives de paix ». Reste à savoir si cette nouvelle tentative, portée par des acteurs religieux mais minée par les calculs politiques, échappera à la malédiction des processus avortés. L’histoire jugera si cette alliance inédite entre le palais de marbre et le sacerdoce aura été un tournant décisif… ou simplement un épisode de plus dans la longue tragédie congolaise.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net