Au cœur des flammes des conflits armés, le parc national des Virunga suffoque. Les combats incessants au Nord-Kivu ont réduit à néant 98% des activités touristiques de ce joyau écologique, selon les dernières estimations. Une hémorragie financière et environnementale qui menace l’équilibre déjà fragile de la première aire protégée d’Afrique.
« Comment envisager la protection des gorilles de montagne quand les kalachnikovs remplacent les appareils photo ? », s’interroge un garde forestier sous couvert d’anonymat. Les recettes touristiques, vitales pour la conservation, se sont évaporées comme l’eau des rivières en saison sèche. Le budget annuel du parc, amputé de plusieurs millions de dollars, met en péril les patrouilles anti-braconnage et les programmes de réintroduction d’espèces.
Les impacts dépassent la simple économie. Les milices occupent désormais 15% de la superficie du parc, transformant des zones vierges en bases arrière et marchés noirs. « La forêt devient complice malgré elle : chaque arbre abattu finance des balles, chaque minerai illégal extrait achète une arme », dénonce un membre du COJUPN. Cette militarisation accélère la déforestation et pousse les communautés riveraines vers des pratiques destructrices.
La disparition progressive de la culture conservationniste alerte les experts. « Avant, un fermier signalait spontanément la présence de miliciens. Aujourd’hui, la peur et la survie immédiate prennent le dessus », regrette Kasereka Vyambithe. Ce revirement sociétal ouvre la voie à un cercle vicieux : moins de protection entraîne plus de dégradations, qui exacerbent les tensions pour les ressources.
Classé au patrimoine mondial depuis 1979, le parc des Virunga incarne pourtant un espoir résilient. Ses 7 800 km² abritent 30% de la population mondiale de gorilles de montagne et alimentent en eau potable 5 millions de personnes. « Sa chute serait un cataclysme écologique régional », insiste un hydrologue de Goma.
Les appels au secours se multiplient. Le Collectif des jeunes unis pour la protection de la nature exige une intervention urgente de l’État. « Sans paix durable, aucune stratégie de conservation ne tiendra », martèle leur porte-parole. Les défenseurs de l’environnement réclament un plan d’urgence associant forces de sécurité et experts écologiques.
En attendant, les rangers continuent leur périlleux ballet entre braconniers et groupes armés. Leur dernier rempart ? Une conviction inébranlable : « Les Virunga ne sont pas qu’un parc. C’est le poumon vert qui permet à toute une région de respirer. » Un souffle vital que la guerre pourrait étouffer définitivement si rien ne change.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: radiookapi.net