« Nous survivons avec un repas par jour, quand nous avons de la chance. Les enfants pleurent toute la nuit, mais que pouvons-nous faire ? » Témoigne Kahindo, mère de cinq enfants rencontrée au site de Telega. Son récit résume le calvaire vécu par des milliers de déplacés de l’Ituri, pris en étau entre une aide humanitaire insuffisante et la terreur des groupes armés. Une réalité brutale que la Rapporteuse spéciale de l’ONU Paula Gaviria a touchée du doigt lors de sa récente mission à Bunia.
La province de l’Ituri, théâtre d’un conflit oublié qui a déjà jeté plus d’un million de personnes sur les routes, vit au rythme des attaques et des pénuries. Dans les sites de déplacés, l’urgence se double d’un sentiment d’abandon. « Certains donateurs ont réduit leurs contributions depuis le début de la guerre en Ukraine », déplore un travailleur humanitaire sous couvert d’anonymat. Comment expliquer que la communauté internationale ferme les yeux sur cette crise qui s’éternise ?
Les révélations faites à Paula Gaviria lors de sa rencontre avec les leaders locaux font froid dans le dos. Non seulement l’aide alimentaire arrive au compte-gouttes, mais les déplacés doivent affronter une nouvelle menace : la militarisation de leurs refuges. « Des militaires pénètrent dans les sites en tenue de combat, armes au poing. Comment voulez-vous que les familles se sentent en sécurité ? », s’indigne un responsable communautaire. Le drame de Rwampara, où des forces de l’ordre ont tiré sur des civils en quête de sécurité, hante toujours les mémoires.
La présence persistante des groupes armés autour de Bunia complique davantage la situation. « Nos champs sont devenus des champs de mort. Ceux qui osent cultiver risquent leur vie », explique un ancien agriculteur du territoire de Djugu. Cette insécurité chronique crée un cercle vicieux : sans accès aux terres, les déplacés dépendent entièrement d’une aide internationale en berne. Et sans perspective de retour, les tensions communautaires s’exacerbent.
Face à ce tableau alarmant, Paula Gaviria a plaidé pour une réponse à deux vitesses : « Il faut urgemment un cadre juridique national pour protéger les déplacés, mais aussi reconstruire la confiance entre communautés ». Un discours qui résonne comme un aveu d’échec des stratégies précédentes. Pendant ce temps, dans les sites de Telega et Bembei visités par la diplomate onusienne, les enfants continuent de grandir entre tentes déchirées et rêves brisés.
La crise humanitaire en Ituri pose une question cruciale : jusqu’à quand la RDC devra-t-elle gérer seule les conséquences d’un conflit alimenté par des intérêts transnationaux ? Les déplacés, eux, n’ont pas le luxe d’attendre des réponses. Chaque jour qui passe creuse un peu plus leur détresse et interroge notre commune humanité.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net