Dans un échange aussi virulent qu’inattendu, le ministre des Finances de la République Démocratique du Congo, Doudou Roussel Fwamba Likunde Li-Botayi, a riposté avec véhémence aux critiques formulées par l’ancien président Joseph Kabila. Les accusations, portant sur la gestion des ressources minières et les scandales financiers, révèlent une fracture profonde au sein de l’élite politique congolaise.
« Quelle tragédie ! », a lancé le ministre samedi 24 mai, détaillant une litanie de griefs contre l’ère Kabila : cessions d’actifs miniers à des prix dérisoires, détournements de royalties, prélèvements opaques à la Banque Centrale du Congo, et fonds publics détournés vers des entreprises familiales. Des allégations qui touchent au cœur de la gouvernance en RDC, où la transparence des industries extractives reste un enjeu brûlant.
Fwamba n’a pas mâché ses mots, évoquant pêle-mêle les « millions de dollars américains de pas de porte de la TFM » disparus, les enseignants réduits à la clochardisation avec « 45 à 60 USD par mois », ou encore les « massacres des adeptes de Bundu Dia Kongo ». Une charge qui dépasse le cadre économique pour englober les violations des droits humains – sujet ultrasensible dans un pays encore marqué par les conflits.
Cette offensive verbale fait suite au discours de Joseph Kabila vendredi, où l’ex-chef de l’État fustigeait à son tour la « mauvaise gouvernance » actuelle et plaidait pour une « refondation » nationale. Un duel rhétorique qui s’apparente à un bras de fer entre deux visions antagonistes : celle d’un ancien régime accusé de pillage systémique, et un pouvoir en place cherchant à se légitimer par la dénonciation des erreurs passées.
Mais au-delà de l’affrontement personnel, ces échanges cristallisent les tensions autour de la gestion des ressources minières en RDC. Le pays, dont le sous-sol regorge de cuivre, cobalt et coltan, peine à transformer cette richesse en développement. Les « amis étrangers » mentionnés par Fwamba renvoient-ils à ces contrats opaques avec des multinationales, régulièrement dénoncés par la société civile ?
Certains analystes y voient une manœuvre pour détourner l’attention des défis actuels : inflation galopante, retard dans la réforme des entreprises publiques, ou doutes sur l’utilisation des fonds du FMI. « Chaque camp instrumentalise le passé pour éviter de rendre des comptes sur le présent », regrette un économiste sous couvert d’anonymat.
Reste que cette polémique survient à un moment clé. Alors que Kinshasa négocie de nouveaux partenariats miniers et tente de rassurer les investisseurs, ces révélations pourraient-elles entacher l’image du pays ? Ou au contraire, servent-elles d’avertissement contre les dérives des anciennes pratiques ?
La balle est désormais dans le camp de la justice congolaise. Le ministre a-t-il l’intention de traduire ses accusations en plaintes formelles ? Joseph Kabila répliquera-t-il par des preuves concrètes sur la gestion actuelle ? Dans un pays où les procès politiques restent rares, cette escalade verbale pourrait soit ouvrir la boîte de Pandore des règlements de comptes, soit… se dissoudre dans les sables mouvants de l’impunité chronique.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd