Dans les rues poussiéreuses de Beni, un enfant de 12 ans pousse péniblement un tricycle surchargé sous un soleil de plomb. « Je travaille depuis l’aube pour 5.000 francs congolais par jour », confie-t-il à voix basse, un chiffre dérisoire qui résume le calvaire de milliers de mineurs exploités dans le Nord-Kivu. Cette scène quotidienne illustre l’urgence de la campagne lancée ce vendredi par les autorités locales pour protéger l’enfance en détresse.
La division des Affaires sociales et ses partenaires traquent sans relâche les pires formes d’exploitation économique. Leur cible ? Les ateliers clandestins, les chantiers risqués et ces maudits tricycles devenus cercueils roulants pour adolescents. « Comment accepter qu’un enfant de 10 ans conduise un engin de 200 kg dans nos embouteillages chaotiques ? », s’indigne un travailleur social sous couvert d’anonymat.
Le mémorandum remis au maire Alex Kighoma dresse un constat accablant : 63% des enfants mendiants identifiés seraient sous la coupe de réseaux criminels. Pire encore, certains groupes armés recycleraient ces « pousseurs de tricycle » comme guetteurs ou porteurs d’armes. Une stratégie macabre qui alimente l’insécurité routière tout en perpétuant les violences communautaires.
Les équipes de terrain rapportent des cas effarants : des fillettes de 8 ans vendant des beignets jusqu’à 22h dans des zones non éclairées, des adolescents sniffant de la colle pour supporter les journées de 14 heures. « Chaque nuit, nous recevons des signalements d’enlèvements ou de viols », déplore une responsable de la protection infantile, les traits tirés par l’épuisement.
Face à cette hémorragie sociale, les autorités brandissent la menace de sanctions judiciaires. « Tout adulte exploitant un mineur risque 5 ans de prison et 10 millions d’amende », rappelle le procureur de la République, martelant sa détermination à appliquer la loi. Une unité spéciale de police routière sera déployée pour contrôler systématiquement les conducteurs de tricycles.
Mais derrière les mesures répressives se cache un défi plus profond : 78% des enfants interpellés lors des précédentes opérations étaient des fugueurs fuyant des foyers dysfonctionnels. « Sans règlement des crises familiales, nous ne ferons que vider la mer avec une cuillère », analyse une psychologue communautaire, soulignant l’urgence de programmes de médiation familiale.
Cette campagne cristallise les espoirs d’une génération sacrifiée sur l’autel des conflits armés et de la précarité. Alors que le Nord-Kivu panse ses plaies après des décennies de violence, la protection de l’enfance apparaît comme le chantier prioritaire pour briser le cycle infernal de la pauvreté. Reste à savoir si les engagements politiques tiendront face à la réalité d’une économie parallèle qui prospère sur le dos des innocents.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net