« Avant, nous cultivions nos champs en paix. Maintenant, nous survivons avec un seul repas par jour », témoigne Kahindo, mère de cinq enfants rencontrée dans un site de déplacement à Goma. Son histoire résume le calvaire de millions de Congolais pris en étau entre les conflits armés et la faim.
Dans l’Est de la RDC, l’insécurité alimentaire atteint des niveaux catastrophiques en cette année 2025. Le dernier rapport du Programme alimentaire mondial (PAM) révèle une réalité glaçante : 28 millions de personnes – soit un quart de la population congolaise – luttent quotidiennement pour se nourrir. Comment une région autrefois considérée comme le grenier du pays a-t-elle pu basculer dans une telle précarité ?
La réponse se trouve dans l’escalade des violences armées qui ravagent l’Ituri, le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et le Tanganyika depuis janvier. « Les groupes armés bloquent les routes commerciales, pillent les récoltes et terrorisent les agriculteurs », explique un agent humanitaire sous couvert d’anonymat. Conséquence directe : le prix du manioc a bondi de 300% dans certaines zones, transformant un aliment de base en produit de luxe.
Les chiffres donnent le vertige. Près de 8 millions de personnes en insécurité alimentaire aiguë dans les provinces de l’Est, 140 000 réfugiés contraints à l’exil vers les pays voisins, et des sites de déplacement où la promiscuité favorise les épidémies. « Nous dormons à 15 dans une tente de 4 mètres carrés », décrit un ancien cultivateur du territoire de Rutshuru.
Face à cette crise humanitaire, la réponse du PAM montre ses limites. Bien que 1,1 million de personnes aient reçu une assistance entre janvier et mars 2025, les obstacles s’accumulent : fermeture de l’aéroport de Goma – poumon logistique crucial -, attaques contre les convois humanitaires, et financements insuffisants. « Nous opérons dans l’urgence permanente », admet un responsable de l’agence onusienne.
Cette spirale infernale interroge les perspectives de développement. Avec 90% des ménages affectés au Nord et Sud-Kivu, c’est toute une génération qui grandit dans la malnutrition chronique. Les spécialistes alertent sur les conséquences à long terme : retard de croissance infantile, perte de productivité agricole, et tensions sociales exacerbées.
Quelles solutions face à ce défi multidimensionnel ? Si l’aide d’urgence reste vitale, les acteurs locaux plaident pour une approche globale. « Il faut sécuriser les zones agricoles, rouvrir les axes commerciaux et investir dans l’agroécologie », insiste une coordinatrice d’ONG basée à Bukavu. Un appel qui résonne comme un ultime espoir pour des millions de Congolais pris au piège entre la guerre et la faim.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net