Les chiffres glaçants s’accumulent comme les eaux boueuses de la Tshopo en saison des pluies. À Kisangani, 78% des projets d’exploitation forestière ignoreraient les études d’impact environnemental selon un récent rapport. Une bombe écologique à retardement qui a motivé l’ONG TROPENBOS RDC à organiser un forum crucial ce 23 mai, réunissant plus de 100 décideurs locaux.
« Notre forêt n’est pas une marchandise ! » tonne Félicien Musenge, coordonnateur de l’organisation. Son discours coup de poing dénonce une pratique systémique : l’expropriation des communautés locales sans consultation préalable. « Comment parler de développement quand on spolie les gardiens ancestraux de la biodiversité ? », interroge-t-il, la voix chargée d’une colère contenue.
« Les promoteurs signent des contrats sur des terres communautaires comme on achète des cacahuètes au marché »
Patient Biselenge, consultant en droit environnemental, déroule un constat accablant. Ses mains tracent dans l’air le lit disparu des rivières tshopoises : « Chaque construction illégale rétrécit un peu plus le territoire des eaux. Résultat ? Des inondations monstres transformant les quartiers en lagunes chaque saison des pluies. »
Les images parlent d’elles-mêmes : maisons englouties, cultures détruites, épidémies en embuscade. Un cercle vicieux où la précarité économique nourrit la destruction environnementale qui aggrave la pauvreté. La province de la Tshopo paie cash l’absence de rigueur dans l’application des lois environnementales RDC.
Pourtant, des lueurs d’espoir percent. Moïse Achaotema de la Coordination provinciale de l’environnement promet un « changement de logiciel ». Reste à traduire ces engagements en actes concrets : multiplication des contrôles sur le terrain, sanctions exemplaires contre les pollueurs, implication réelle des chefs locaux dans les processus décisionnels.
L’enjeu dépasse la simple réglementation. Il s’agit ni plus ni moins de redéfinir notre rapport au vivant. Les études d’impact environnemental ne doivent plus être perçues comme une formalité administrative, mais comme un outil de survie. Les communautés locales de Kisangani, premières victimes mais aussi dépositaires d’un savoir ancestral, pourraient bien tenir la clé de cette renaissance écologique.
La balle est désormais dans le camp des autorités. Verront-elles dans la catastrophe annoncée une opportunité de tourner enfin la page des exploitations sauvages ? Une certitude s’impose : le compte à rebours climatique ne s’arrêtera pas aux portes de la Tshopo.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: radiookapi.net