La médiation africaine pour la paix dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) entre dans une phase critique. Lomé, capitale togolaise, a abrité samedi 17 mai une réunion hautement symbolique marquant le lancement opérationnel du panel des facilitateurs SADC-EAC, sous l’égide de Faure Gnassingbé, médiateur désigné par l’Union Africaine. Une rencontre qui cristallise les espoirs – et les doutes – autour de l’harmonisation des processus de Nairobi et de Luanda, désormais fusionnés sous l’impulsion des communautés régionales.
Dans un contexte où les tensions entre Kinshasa et Kigali persistent malgré les multiples initiatives diplomatiques, la réunion de Lomé se présente comme un test de crédibilité pour l’architecture de paix régionale. « Nous élaborons une stratégie pour exécuter ce mandat et rétablir la stabilité », a déclaré Uhuru Kenyatta, ancien président kényan et co-facilitateur, soulignant l’urgence d’une « formule » permettant aux « frères et sœurs de la région des Grands Lacs de vivre en paix ». Un discours empreint d’optimisme, mais qui ne masque qu’à peine les défis d’une médiation éclatée entre acteurs locaux et internationaux.
La présence de figures comme Sahle-Work Zewde, ancienne cheffe d’État éthiopienne, ou encore Catherine Samba-Panza, ex-présidente centrafricaine, illustre la volonté d’un alignement derrière le médiateur de l’UA. « Cette coordination évite l’inaction », a-t-elle affirmé, taclant implicitement les lenteurs bureaucratiques ayant précédé. Une critique voilée qui rappelle les écueils des mécanismes africains de résolution de crise, souvent paralysés par des rivalités institutionnelles.
Olusegun Obasanjo, ancien président nigérian, a quant à lui insisté sur la nécessité de « définir le mandat » du panel. Une étape cruciale alors que la rébellion du M23, soutenue selon Kinshasa par Kigali, continue de défier l’autorité de l’État congolais. La question centrale reste celle de l’efficacité : comment concilier les agendas des facilitateurs régionaux (SADC-EAC), le processus de l’UA et les initiatives parallèles comme celles de Washington ou Doha ?
Dans une déclaration publiée sur X, Faure Gnassingbé a salué le « soutien affirmé » des partenaires internationaux, dont l’ONU et les États-Unis. Un choix stratégique : en associant les puissances extérieures à la médiation africaine, le Togolais tente d’éviter le piège d’un régionalisme autarcique. Mais ce mariage contre-nature entre légitimité continentale et réalpolitik mondiale suffira-t-il à désamorcer une crise où se superposent enjeux sécuritaires, économiques et géostratégiques ?
La présence de Xia Huang, envoyé spécial de l’ONU pour les Grands Lacs, confirme l’imbrication des échelles de gouvernance. Alors que les processus de Luanda et Nairobi fusionnent, cette réunion pose les jalons d’une médiation à plusieurs étages. Reste à savoir si cette complexité institutionnelle, souvent perçue comme un frein, pourra se muer en atout. Le pari est risqué : en diplomatie, trop de cuisiniers risquent de gâter la sauce.
Au-delà des déclarations de bonnes intentions, l’enjeu réside désormais dans la traduction opérationnelle. Les facilitateurs devront naviguer entre les revendications de Kinshasa – qui exige un retrait immédiat du M23 – et les pressions indirectes de Kigali, accusé de soutenir la rébellion. Un équilibre précaire, où chaque faux pas pourrait raviver les tensions. La prochaine étape ? Définir un calendrier concret, sous peine de voir cette médiation rejoindre la longue liste des initiatives régionales inabouties.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
