Dans les rues poussiéreuses de Manono, au cœur de la province du Tanganyika, des femmes marchent courbées sous le poids de bidons jaunes. « Nous parcourons jusqu’à 10 km par jour pour trouver un point d’eau potable », confie Mama Mulenga, les traits tirés par l’épuisement. Ce calvaire quotidien illustre une réalité accablante : la cité stratégique, assise sur l’une des plus grandes réserves mondiales de lithium, suffoque depuis un an sous une crise hydrique et énergétique sans précédent.
Le système d’adduction d’eau de la Regideso, paralysé par des pannes de pompes récurrentes, a transformé l’accès à l’eau en parcours du combattant. Pendant ce temps, la centrale photovoltaïque de la SNEL, dont les batteries dépolarisées depuis trois ans, ne fournit qu’un courant aléatoire. « Quand on a la chance d’avoir du courant, c’est par intermittence », déplore Valéry Kumwimba, coordonnateur de la société civile locale.
Comment une région présentée comme le futur « Klondike du lithium » peut-elle sombrer dans un tel dénuement ? La question hante les 300 000 habitants de cette localité où les bâtiments décrépis de l’époque coloniale côtoient des montagnes de minerais convoités. Alors que le lithium – essentiel pour les batteries de véhicules électriques – attise les convoitises internationales, les populations locales survivent avec moins de 2$ par jour.
Les travailleurs des sociétés de sous-traitance minière dénoncent des salaires de misère. « Nos paies ne couvrent même pas le transport jusqu’aux sites d’extraction », témoigne un agent de carrière sous couvert d’anonymat. Cette précarité contraste avec les milliards de dollars générés par l’exploitation minière en RDC, dont Manono devrait être un joyau.
Les espoirs se cristallisent désormais sur le gisement de lithium de la concession AVZ, objet d’une bataille juridique entre l’Australien AVZ et la Cominiere congolaise. « Chaque retard dans l’exploitation équivaut à une condamnation à la pauvreté pour notre jeunesse », s’indigne un leader communautaire.
En attendant, la population trinque. Les centres de santé manquent d’eau stérilisée, les écoles fonctionnent sans éclairage, et les ménages dépensent 40% de leurs revenus dans l’eau de surface – souvent contaminée. Une aberration dans un pays qui détient 50% des réserves africaines d’eau douce.
Cette crise multidimensionnelle pose une question cruciale : l’exploitation des minerais stratégiques servira-t-elle enfin au développement local ? Alors que la transition énergétique mondiale dépend du lithium congolais, Manono attend toujours sa propre transition – vers une vie digne.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
