Dans le quartier populaire de Bakoko à Bunia, le silence n’a duré qu’un instant. Un grondement sourd a déchiré l’après-midi du 22 mai, suivi de cris étouffés sous les décombres d’un immeuble de trois étages. « Je travaillais au deuxième niveau quand tout a tremblé. En quelques secondes, le plafond s’est effondré », raconte un rescapé, voix brisée, évacué avec une fracture au bras. Vingt-quatre heures plus tard, une vingtaine de vies restent prisonnières de cette carcasse de béton, symbole cruel des défis de l’urbanisation en Ituri.
Parmi les disparus, des artisans du quotidien : maçons, soudeurs, électriciens. Sept élèves stagiaires, venus apprendre leur métier sur ce chantier de finition, figurent aussi dans la liste des absents. Deux corps ont déjà été retirés des gravats, cinq survivants transportés d’urgence à l’hôpital. « C’est une course contre la montre », explique un casque bleu népalais, torse trempé de sueur, tandis que ses collègues indonésiens déplacent une poutre torsadée.
La MONUSCO a déployé quatre ambulances et une équipe multinationale pour ce sauvetage périlleux. À leurs côtés, la police congolaise et les services provinciaux tentent de coordonner les efforts. « Chaque minute compte, mais les risques d’effondrement secondaire nous obligent à la prudence », souligne le commissaire Bosco Mbuyi Kola, présent sur place depuis l’aube.
Derrière l’urgence humanitaire, des questions brûlent les lèvres. Pourquoi ce bâtiment s’est-il écroulé comme un château de cartes ? Les riverains évoquent des rumeurs de matériaux inadaptés, de délais de construction raccourcis. Le maire de Bunia promet une enquête, mais dans les ruelles de Bakoko, l’amertume est palpable. « On construit vite, n’importe comment, pour loger les déplacés de la guerre », lâche une commerçante, les yeux rivés sur la grue qui soulève des dalles fissurées.
Cette tragédie révèle une faille béante dans la gestion urbaine de l’Ituri. Entre afflux de populations fuyant les conflits et pression immobilière, les normes de sécurité passent souvent au second plan. Les familles des victimes, regroupées près du cordon de sécurité, posent une question muette : jusqu’à quand devront-ils risquer leur vie pour un toit ou un salaire ?
Alors que les secouristes s’activent sous le regard impuissant des proches, un enjeu plus large se dessine. Cet effondrement à Bunia n’est pas qu’un accident de chantier – c’est le symptôme d’une province où la reconstruction se fait dans l’urgence, au mépris des règles élémentaires. La MONUSCO peut-elle colmater ces brèches structurelles ? Les autorités provinciales parviendront-elles à imposer des standards de construction durables ?
Ce vendredi soir, les projecteurs des casques bleus éclairent une scène de désolation. Dans la poussière qui danse sous les lampes torches, une main inertedépasse soudain des gravats. Les secouristes s’élancent. Quelques mètres plus bas, un survivant murmure faiblement. La machine de sauvetage reprend espoir, tandis que Bunia retient son souffle.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net