La Conférence sur le crime d’agression en Afrique, tenue à Accra depuis mardi 20 mai, cristallise les attentes de la République démocratique du Congo (RDC) en matière de justice internationale. Placée sous l’égide de l’ONG Africa Legal Aid (AFLA), cette rencontre stratégique réunit magistrats, diplomates et représentants de la Cour pénale internationale (CPI) autour d’un objectif central : étendre la compétence de la Cour aux crimes d’agression, au même titre que les génocides ou les crimes contre l’humanité.
Le vice-ministre congolais de la Justice, Samuel Mbemba, a saisi cette tribune pour dénoncer avec vigueur « l’agression rwandaise » subie par son pays depuis trois décennies. Dans une déclaration percutante, l’autorité judiciaire a appelé à « une mobilisation sans précédent » de la communauté internationale. « La RDC vit un cycle de violences institutionnalisées par des puissances étrangères. Il est temps que la CPI dispose des outils pour sanctionner ces actes », a-t-il insisté devant un parterre de diplomates.
Cette position trouve un écho particulier dans le contexte régional. Les débats d’Accra ont notamment porté sur la révision de l’Article 8 bis du Statut de Rome, qui définit le crime d’agression. Un enjeu crucial pour Kinshasa, qui y voit un levier juridique potentiel contre le Rwanda. La déclaration commune de l’AFLA, ouvrant les travaux, a d’ailleurs explicitement pointé « l’occupation illégale de territoires congolais » par Kigali.
Quelles implications concrètes pourrait avoir un élargissement du mandat de la CPI ? Les experts présents à Accra soulignent que cela permettrait de poursuivre non seulement les exécutants, mais aussi les commanditaires d’actes d’agression. Une perspective qui redessinerait les frontières de la responsabilité pénale internationale, notamment dans les conflits transfrontaliers.
Le plaidoyer congolais s’appuie sur un double constat : l’urgence de faire cesser l’impunité, mais aussi la nécessité d’une reconnaissance historique. « Notre combat dépasse la simple réparation. Il s’agit d’écrire une nouvelle page du droit international où l’agression d’un État souverain ne reste pas une arme géopolitique impunie », a martelé Samuel Mbemba. Des propos renforcés par des chiffres alarmants : l’ONU estime à plus de 120 groupes armés actifs dans l’Est de la RDC, dont plusieurs seraient soutenus par des puissances étrangères.
La route reste néanmoins semée d’embûches. L’amendement du Statut de Rome nécessiterait l’approbation des deux tiers des États membres de la CPI, soit 82 pays. Un processus complexe dans un contexte de défiance croissante envers les juridictions internationales. Pourtant, les participants à Accra semblent déterminés. Plusieurs délégations ont évoqué la possibilité de créer une jurisprudence africaine, via des mécanismes régionaux complémentaires.
Pour la RDC, cette conférence marque un tournant dans sa stratégie diplomatique. Après des années de dénonciations bilatérales, Kinshasa internationalise son combat juridique. Une approche qui pourrait inspirer d’autres nations africaines confrontées à des ingérences étrangères. Reste à savoir si cette mobilisation parviendra à infléchir les équilibres géopolitiques à l’œuvre dans la région des Grands Lacs.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net