Une lueur d’espoir dans les rues de Bunia
Grace Furaha malaxe énergiquement un mélange savonneux entre ses mains aguerries par les épreuves. « Avant, je tendais la main au marché. Aujourd’hui, je fabrique ce que les ménagères s’arrachent », confie cette mère de trois enfants, non-voyante et désormais cheffe d’atelier à Bunia. Comme elle, quinze personnes handicapées viennent de boucler une formation en entrepreneuriat dispensée par le Comité International de la Croix-Rouge (CICR).
Le cercle vicieux de la dépendance
Dans cette province de l’Ituri meurtrie par les conflits, les personnes en situation de handicap constituent une population doublement vulnérable. Selon les estimations locales, près de 70% d’entre elles survivent grâce à la mendicité ou l’assistance familiale. « Quand on est albinos comme moi, sortir seule implique des risques », témoigne un bénéficiaire sous couvert d’anonymat.
Mais comment briser ce cycle de dépendance ? Le CICR a identifié un créneau porteur : les produits d’entretien. « Un savon de lessive à 500 francs congolais (0,20$) permet de générer 200 francs de marge », calcule Eva Bonjele, responsable du programme. Une manne vitale dans une région où 80% de la population vit avec moins de 1,90$ par jour.
De la théorie à l’autonomie concrète
Pendant six semaines, les apprenants ont maîtrisé les techniques de saponification et de gestion micro-entreprise. Leur premier stock ? 2000 pains de savon et 500 litres d’eau de Javel prêts à inonder les étals locaux. « Notre objectif dépasse la simple assistance », insiste un formateur du CICR. « Chaque bénéficiaire doit à son tour former cinq membres de sa communauté ».
Cette approche en cascade pourrait toucher 200 personnes d’ici fin 2024. Un espoir pour des associations locales qui peinent à trouver des financements. « Avant, nos demandes restaient lettres mortes », déplore le président d’une coopérative de sourds-muets.
Un modèle à dupliquer ?
Si l’initiative du CICR à Bunia fait des émules, des défis persistent. L’accès aux matières premières et aux marchés reste compliqué pour les personnes à mobilité réduite. Certains participants dénoncent aussi des préjugés tenaces : « Beaucoup pensent qu’un handicapé ne peut pas manager un atelier », regrette Grace.
Pourtant, les premiers résultats parlent d’eux-mêmes : 75% des formés ont déjà démarré une activité génératrice de revenus. De quoi inspirer d’autres régions de la RDC où 12% de la population vit avec un handicap selon les estimations de l’OMS. Et si l’autonomisation passait par la valorisation des compétences plutôt que l’assistanat ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
