Dans un contexte politique congolais déjà marqué par des tensions persistantes, la Commission spéciale du Sénat chargée d’examiner le réquisitoire contre Joseph Kabila a ouvert un chapitre crucial ce lundi 19 mai. Dirigée par Christophe Lutundula, cette instance de 40 membres incarne désormais l’épicentre d’un bras de fer institutionnel aux implications historiques. La question centrale : l’immunité d’un sénateur à vie, ancien président, peut-elle résister à des accusations de trahison et de crimes de guerre ?
Les charges, lues devant une plénière sous haute tension, dessinent un réquisitoire implacable. Joseph Kabila est accusé d’avoir « facilité des hostilités » via des échanges présumés avec le M23, mouvement insurrectionnel soutenu par le Rwanda. Un dossier qui renvoie aux plaies encore vives de l’Est congolais, où les crimes de guerre attribués aux FARDC et aux groupes armés continuent de défrayer la chronique. Le parquet militaire invoque ici une triple violation : Code pénal militaire, sécurité de l’État, et droits humains dans les zones de conflit.
Sur le plan juridique, la manœuvre est un cas d’école. En s’appuyant sur les articles 104 et 153 de la Constitution, les poursuivants contournent astucieusement le statut d’ancien chef de l’État. « C’est en sa qualité de sénateur que nous le visons », martèle un procureur militaire sous couvert d’anonymat. Une subtilité procédurale qui place le Sénat dans l’œil du cyclone : acceptera-t-il de lever l’immunité parlementaire, prérequis indispensable pour une comparution devant la Haute Cour militaire ?
L’absence remarquée de l’intéressé, actuellement à l’étranger, ajoute une dimension théâtrale à ce feuilleton judiciaire. « Son défaut de comparution ne suspend pas la procédure », a tonné Christophe Lutundula lors de l’audition de l’auditeur général. Un message clair : les institutions entendent montrer leur détermination, quitte à bousculer les équilibres politiques hérités de l’ère Kabila.
Les enjeux dépassent largement le sort d’un homme. À Kinshasa, nombreux sont ceux qui voient dans ce procès en gestation un test décisif pour l’État de droit. « La crédibilité de toute la chaîne judiciaire est en jeu », analyse un constitutionnaliste contacté par Congo Quotidien. Reste une question brûlante : les sénateurs, dont beaucoup doivent leur siège à l’ancien président, oseront-ils franchir le Rubicon en votant la levée d’immunité ?
Les prochaines 72 heures s’annoncent critiques. Le rapport de la Commission spéciale, attendu jeudi 22 mai, pourrait soit enterrer le dossier, soit ouvrir la voie à un procès sans précédent. Dans les couloirs du Palais du Peuple, les stratégies s’affinent : certains plaident pour un rejet au nom de la stabilité politique, d’autres brandissent l’argument de la reddition des comptes. Une chose est sûre : quel que soit le verdict du Sénat, ses répercussions ébranleront durablement l’échiquier congolais.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd