Dans une salle où l’effervescence culturelle se mêle aux murmures de l’innovation, Jean-Jacques Tankwey, directeur artistique de la Kinshasa Design Week 2025, a dévoilé les contours d’un projet ambitieux. Sous le thème « Ville créative », cette édition se veut bien plus qu’une exposition : une odyssée artistique reliant Kinshasa à Ouagadougou, Cotonou, Paris ou Zurich. « Nous ne construisons pas seulement des meubles ou des textiles, nous tissons une mémoire collective », a-t-il déclaré, les yeux brillants de cette vision qui transcende les frontières.
Le design congolais, longtemps perçu comme une énigme, se dévoile désormais sous les projecteurs internationaux. La Kindeswe Tour 2025 ambitionne de transformer les ruelles animées de Kinshasa en couloirs d’inspiration pour les créateurs locaux. Mode, mobilier, graphisme – chaque discipline devient un dialecte universel. « Comment une chaise conçue à Matonge peut-elle dialoguer avec l’esthétique minimaliste zurichoise ? » interroge Tankwey, soulignant ainsi la dialectique entre racines locales et langage global.
Samira Cizero, chargée d’affaires à l’ambassade de Suisse, a apporté une touche diplomatique à ce ballet créatif. « Lorsque nos designers helvètes ont découvert les motifs urbains kinois, c’était comme déchiffrer une partition musicale inconnue », a-t-elle confié, évoquant ces échanges où le bois suisse épouse les courbes des tissus africains. Une synergie qui dépasse l’artisanat : ici, chaque collaboration est un pont jeté entre les rives du lac Léman et les eaux turbulentes du Congo.
Rappelant les débuts timides de l’événement en 2021, Tankwey esquisse un sourire nostalgique. « À l’époque, expliquer le design mobilier relevait presque de l’utopie. Aujourd’hui, nos créateurs discutent d’économie circulaire avec des investisseurs berlinois. » Cette métamorphose s’incarne dans des chiffres parlants : +300% de visibilité internationale depuis 2023, 15 nouvelles collaborations transcontinentales en gestation.
Kinshasa se révèle comme un laboratoire à ciel ouvert, où le béton des immeubles dialogue avec le bois des sculptures urbaines. Le parcours de la tournée 2025 – soigneusement chorégraphié – mêlera installations immersives dans des lieux patrimoniaux et ateliers participatifs. Une scénographie audacieuse où les visiteurs marcheront littéralement sur des dalles interactives reproduisant les motifs des pagnes kinois.
Quel impact pour ces artisans locaux ? Pour Didier Mualaba, jeune designer spécialisé dans le mobilier modulable, la réponse fuse : « Hier, mes étagères ornaient des salons kinois. Demain, elles raconteront l’histoire du fleuve Congo dans des lofts parisiens. » Un témoignage qui résume l’ambition de l’événement : faire du design congolais un langage universel, sans sacrifier son âme vibrante.
Alors que les projecteurs se braquent sur la Créativité Kinshasa, une question persiste : cette effervescence annonce-t-elle l’émergence d’un nouveau Bauhaus africain ? Si Tankwey se garde de toute prophétie, il conclut par une image : « Imaginez le fleuve Congo charriant des idées plutôt que des sédiments. C’est cela, notre flux créatif. » Un courant qui, de Bruxelles à Johannesburg, semble prêt à irriguer les déserts esthétiques de notre époque.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: mediacongo.net
