La prison urbaine de Kangbwayi à Beni a entamé ce lundi 19 mai une opération d’envergure portant sur l’examen minutieux de 1 400 dossiers judiciaires de détenus. Pilotée par la section d’appui à la justice de la MONUSCO/Beni, cette initiative vise à évaluer la conformité des procédures pénales tout en identifiant les cas de détention préventive prolongée ou abusive. Une démarche présentée comme une réponse urgente à la surpopulation carcérale chronique qui frappe cet établissement pénitentiaire du Nord-Kivu.
Pendant deux semaines, deux équipes mixtes – composées chacune d’un avocat et d’un greffier – vont scruter les archives judiciaires avec un triple objectif : détecter les irrégularités processuelles, cartographier les situations de rétention illégitime et établir un diagnostic précis de la documentation pénale. « Il s’agit d’un travail de fourmi pour rétablir les droits fondamentaux tout en désengorgeant les cellules », explique une source proche du dossier sous couvert d’anonymat.
La surpopulation carcérale en RDC, qui atteint des taux alarmants à Kangbwayi comme ailleurs dans le pays, trouve ici une tentative de solution structurelle. Selon les dernières statistiques pénitentiaires, près de 65% des détenus congolais purgent des périodes de détention préventive excédant les limites légales. Un constat qui interroge : comment un système judiciaire déjà fragilisé par des années de conflit peut-il garantir l’équité des procédures ?
La MONUSCO, par le biais de sa division justice, a mobilisé des experts locaux et internationaux pour cette revue exceptionnelle. Leur mandat inclut non seulement l’analyse technique des dossiers, mais aussi la préparation d’un atelier de restitution destiné aux magistrats et aux autorités provinciales. Ce forum devra aboutir à des recommandations opérationnelles pour accélérer les procédures et régulariser les situations litigieuses.
Les observateurs juridiques saluent une initiative « audacieuse mais nécessaire » face à l’engorgement des prisons. « Chaque dossier irrégulier identifié représente une vie mise en suspens et une charge inutile pour l’administration », souligne Me Jacques Kambere, avocat au barreau de Beni. Reste à savoir si cette opération ponctuelle pourra infléchir durablement des pratiques judiciaires souvent critiquées par les organisations de défense des droits humains.
L’enjeu dépasse la simple gestion carcérale. En filigrane se profile la question de l’État de droit dans une région minée par l’insécurité persistante. La révision des dossiers pourrait-elle servir de modèle pour d’autres prisons congolaises ? Les promoteurs du projet l’espèrent, tout en reconnaissant que le succès dépendra de la mobilisation postérieure des parquets et tribunaux concernés.
Après la phase d’analyse, un plaidoyer auprès des instances judiciaires nationales est prévu pour institutionnaliser les bonnes pratiques identifiées. Une course contre la montre s’engage désormais pour concilier impératifs sécuritaires, droits des détenus et crédibilité d’un système judiciaire en quête de légitimité.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net