L’hôpital général de référence de Kitatumba, à Butembo, fait face à une crise humanitaire silencieuse. Quinze prisonniers malades, hospitalisés dans ses services de médecine interne et de chirurgie, survivent grâce à la débrouillardise d’un personnel soignant dépassé par l’ampleur des besoins. Comment un système de santé peut-il fonctionner sans soutien étatique ? La réponse se lit dans le quotidien de cet établissement du Nord-Kivu, où médicaments et nourriture manquent cruellement.
Une prise en charge médicale au bord de l’implosion
Le Dr Esdras Masingo, directeur de l’hôpital, alerte sur une situation « intenable ». Normalement assurée par l’État congolais, la prise en charge des détenus repose entièrement sur les épaules de l’établissement. « Nous utilisons nos stocks déjà limités pour les soins d’urgence. Sans antibiotiques ni antalgiques, comment traiter les infections ou les complications post-opératoires ? », interroge-t-il. Une réalité qui expose les patients à des risques accrus de septicémie ou de rechutes.
La double peine des détenus : soins précaires et alimentation aléatoire
Au déficit médical s’ajoute une crise nutritionnelle. Si la prison de Butembo envoie des repas, leur irrégularité force l’hôpital à puiser dans ses réserves. « Certains jours, ce sont les infirmiers qui partagent leur propre nourriture », révèle le médecin. Un geste de solidarité qui ne suffit pas à combler les carences alimentaires, pourtant cruciales dans la récupération des malades.
Un appel à la responsabilité collective
Face à cette urgence, le Dr Masingo lance un double cri d’alarme. D’abord vers les autorités : « Le gouvernement doit assumer son rôle dans la santé carcérale. Les prisons relèvent de sa compétence, tout comme l’approvisionnement en intrants médicaux ». Ensuite vers la société civile : « Nous avons besoin d’un élan national de générosité. Chaque don de comprimés, chaque boîte de pansements compte ».
Nord-Kivu : une crise systémique aux racines profondes
Cette situation n’est pas isolée. Dans toute la région, les prisons croulent sous les problèmes sanitaires. Surpopulation, malnutrition et absence de protocoles médicaux créent un terreau idéal pour les épidémies. En 2022, une étude de Médecins Sans Frontières révélait que 43% des décès en milieu carcéral congolais étaient liés à des pathologies curables. Un chiffre qui prend aujourd’hui tout son sens à Kitatumba.
Quelles solutions durables ?
Les spécialistes plaident pour trois mesures d’urgence :
- La création d’une ligne budgétaire spécifique pour la santé des détenus
- Un partenariat public-privé pour l’approvisionnement en médicaments essentiels
- La formation d’agents pénitentiaires aux premiers secours et dépistages
« Cela demande une volonté politique », insiste un expert local sous couvert d’anonymat. En attendant, l’hôpital de Kitatumba continue sa course contre la montre, dos au mur mais les mains tendues vers l’espoir.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net