Dans une région déjà meurtrie par des décennies de conflits, l’éducation supérieure devient-elle l’otage des groupes armés ? La rébellion du M23 au Nord-Kivu vient de franchir un nouveau cap en prenant le contrôle des universités de Goma, déclenchant une vive réaction des autorités éducatives nationales.
Une tutelle contestée, un système ébranlé
Depuis une semaine, les établissements de la conférence provinciale du Nord-Kivu reçoivent un ordre sans équivoque : rompre tout lien avec le ministère de l’Enseignement supérieur basé à Kinshasa. En parallèle, le mouvement rebelle a nommé la conseillère du gouverneur autoproclamé comme nouvelle responsable académique. Plus inquiétant encore, la collecte des frais de scolarité – traditionnellement gérée par l’administration centrale – est désormais sous contrôle du gouvernorat rebelle.
Le cri d’alarme de Sombo Marie-Thérèse
La ministre de l’ESU ne mâche pas ses mots : « Ces mesures constituent une attaque frontale contre le droit fondamental à l’éducation. Détourner notre système éducatif, c’est scier la branche qui porte l’avenir de notre jeunesse ». Dans sa déclaration du 19 mai, elle qualifie ces actions de « tentative criminelle de démantèlement institutionnel ».
Son analyse pointe un double danger : la marginalisation progressive des diplômes nationaux et la perte de repères académiques pour des milliers d’étudiants. « Comment garantir la reconnaissance internationale de nos cursus si des groupes armés s’improvisent régulateurs ? », interroge-t-elle dans sa lettre ouverte.
Un précédent dangereux
Cette mainmise sur l’éducation supérieure crée un inquiétant précédent dans l’est de la RDC. Les observateurs craignent une « balkanisation » du système éducatif, chaque zone conflictuelle imposant ses propres règles. Un enseignant de l’Université de Goma, sous couvert d’anonymat, confie : « Nos étudiants vivent dans l’angoisse de voir leurs diplômes dévalués. Beaucoup envisagent l’exil académique ».
L’appel à la communauté internationale
Face à cette crise, le ministère lance un SOS aux instances internationales. L’UNESCO et le Conseil des droits de l’homme sont explicitement interpellés. La ministre insiste : « Il ne s’agit pas seulement d’une affaire congolaise, mais d’une atteinte au droit à l’éducation reconnu par tous les traités internationaux ».
En toile de fond se profile une question cruciale : jusqu’où peut s’étendre l’emprise des groupes armés sur les institutions étatiques ? Les récentes mesures du M23 dépassent le cadre militaire pour s’attaquer aux fondements mêmes de la souveraineté étatique.
Quelles conséquences pratiques ?
– Suspension des équivalences de diplômes avec d’autres provinces
– Incertitude sur la validité des examens nationaux
– Risque de double gouvernance académique
– Difficultés financières accrues pour les familles
Alors que le Nord-Kivu compte près de 15 000 étudiants universitaires, cette crise ajoute une nouvelle couche de complexité au conflit. Comme le souligne un parent d’élève : « Nos enfants paient le prix d’une guerre qui n’est pas la leur ».
La balle est désormais dans le camp de la communauté internationale. Réagira-t-elle assez vite pour éviter qu’une génération entière ne soit sacrifiée sur l’autel des conflits armés ? L’avenir de l’enseignement supérieur congolais pourrait bien se jouer dans les prochaines semaines.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net