Dans un contexte de recomposition des équilibres économiques africains, la République Démocratique du Congo dévoile sa feuille de route pour une souveraineté économique ambitieuse. Lors de la Global Growth Conference à Rabat, le vice-Premier ministre Daniel Mukoko Samba a exposé une stratégie multidimensionnelle s’appuyant sur trois piliers structurants : les infrastructures logistiques, l’indépendance énergétique et l’intégration régionale.
Le projet phare du port en eaux profondes de Banana symbolise cette volonté de désenclavement. Avec un investissement estimé à 1,2 milliard USD, cette infrastructure stratégique vise à capter 45% du trafic maritime régional d’ici 2030. « Ce n’est pas simplement un terminal portuaire, mais le cordon ombilical qui reliera le cœur minier du Katanga aux marchés internationaux », analyse Thierry Nkulu, économiste spécialiste des transports africains.
Sur le front énergétique, les projets Inga hydroélectrique affichent une nouvelle dynamique. Le gouvernement table sur une capacité installée de 40 000 MW à l’horizon 2040, de quoi alimenter 150 millions de foyers africains. Cette ambition s’accompagne du Grand Corridor Vert, un réseau de 2 500 km dédié au transport d’énergie renouvelable entre le Kivu et Kinshasa.
La coopération transfrontalière prend corps avec le corridor de Lobito, développé en partenariat avec l’Angola et la Zambie. Ce projet trilatéral prévoit la création de cinq zones économiques spécialisées dans la transformation minière, avec un objectif de création de 250 000 emplois directs. « L’Afrique doit passer de l’exportation de matières brutes à la maîtrise de sa chaîne de valeur industrielle », insiste le ministre congolais.
Mais ces mégaprojets se heurtent à un défi majeur : la stabilité politique des Grands Lacs. La région enregistre encore 72% des conflits armés du continent selon le dernier rapport de l’ONU. « Comment parler de souveraineté économique quand 30% du territoire échappe au contrôle de l’État ? », interroge un diplomate européen sous couvert d’anonymat.
La feuille de route présentée à Rabat esquisse cependant une nouvelle donne géoéconomique. En connectant le corridor Lobito aux projets Inga et au port de Banana, la RDC pourrait capter 15% du PIB régional d’Afrique centrale d’ici 2035. Reste à transformer ces chantiers structurants en leviers concrets de développement inclusif.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
