Dans une salle de réunion surchauffée de Beni, le général Évariste Kakule Somo, gouverneur du Nord-Kivu, a orchestré ce lundi 19 mai une confrontation inhabituelle entre attributaires routiers, humanitaires et forces de sécurité. L’enjeu ? Démêler l’écheveau complexe de la dégradation des axes vitaux de cette province stratégique, où chaque nid-de-poule semble creuser un peu plus le fossé entre les promesses étatiques et la réalité des populations.
« Faire preuve de courage en s’auto-évaluant » : la formule du gouverneur, martelée comme un leitmotiv, traduit une prise de conscience à double tranchant. Derrière l’appel à la « gestion participative des infrastructures » se profile l’aveu implicite d’un système à bout de souffle. Les routes confiées à la société indienne Dott Services cristallisent les tensions, transformant les artères économiques en champ de bataille bureaucratique.
Paulin Makasi, de BEC Sarl, lâche pudiquement : « Cette rencontre a permis de souligner certaines défaillations ». Euphémisme poli pour désigner le cœur du malaise : la réorientation des recettes perçues sur les axes gérés par Dott Services sonne comme un désaveu cinglant du modèle de concession actuel. Le gouverneur aurait-il discrètement acté l’échec d’une externalisation présentée naguère comme panacée ?
La métaphore médicale employée par Kakule – « soigner la maladie sans nuire au patient » – prend ici des allures de diagnostic politique. Comment concilier rentabilité des investisseurs et droit fondamental à la mobilité ? Les usagers, en rappelant aux attributaires leurs obligations contractuelles, pointent du doigt une contradiction majeure : l’entretien des routes Beni et alentour peut-il réellement s’accommoder d’une logique purement mercantile ?
Cette réunion-miroir révèle les limites d’un système où chaque acteur campe sur ses positions. Les attributaires invoquent le manque de moyens, les autorités brandissent les contrats, les usagers dénoncent l’incurie. Le gouverneur, en arbitre contraint, tente une quadrature du cercle : exiger des résultats sans redistribuer les cartes d’un jeu truqué dès l’origine.
La recommandation phare – détourner les recettes de Dott Services vers d’autres axes – ressemble à un pis-aller. Stratégie de contournement ou premier pas vers une renégociation globale ? L’avenir dira si ce coup de projecteur sur la gestion participative des routes RDC annonce une véritable refonte ou simplement un replâtrage temporaire.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
